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DE L’ELBE AUX CARPATHES

milieu de pampres jaunis, quelques grappes atrophiées, font un cadre doré au vaste paysage que nous découvrons. Au premier plan, des vignes en gradins, soignées comme une belle femme, dégringolent la pente rapide et viennent mourir sur le bord de l’Elbe. Ces vignes ont leur histoire. Les ceps en furent apportés de Bourgogne et plantés en ce lieu par le bon roi Charles IV qui, élevé en France et marié à une princesse française, Blanche de Valois, portait à notre pays un amour ardent... Le xive siècle est déjà loin et le pineau bourguignon a probablement dégénéré sous le rude climat de la Bohême. Néanmoins, le vin qu’on nous sert à Melnik ne manque pas de tenue.

Par delà les massifs d’arbres qui bordent la rive gauche du fleuve, une longue plaine s’étend, d’où, à l’horizon, s’élève un haut mamelon. C’est le Riç, ballon d’origine probablement volcanique, où, dit la légende, l’ancêtre Bohemus aurait décidé d’arrêter la migration de sa tribu de Tchèques.

Le déjeuner fini, l’automobile nous descend vers les faubourgs de la vallée. Sa course rapide nous éloigne des dernières agglomérations purement tchèques. La traversée d’une bourgade dont les boutiques s’ornent d’enseignes bilingues, tchèque et allemand, nous montre que nous sommes en pays mixte, à la transition de deux nationalités. Le vallon boisé dans lequel nous nous enfonçons, curieux avec ses blocs tourmentés de grès friable, est peuplé en majorité d’Allemands. Oh ! pas depuis longtemps, longtemps, et quelques-unes des vieilles chaumières de bois découpé et sculpté, si élégantes avec la délicate galerie qui court à leur flanc, ont peut-être encore vu tchèque toute la région. Les habitants continuent de désigner par des noms tchèques à