trons aux soins de votre bon docteur Cauvière qui nous dirigera soit à Hyères, soit à Nice selon sa sagesse et son expérience car il fait trop froid encore à Paris pour y retourner et nous attendrons le printemps dans un pays doux mais sec. À Majorque, nous vivions dans la vapeur tiède et moi-même j’ai été couverte de rhumatismes et j’y ai vieilli de dix ans. […] Je dois à Monsieur Remisa trois mille francs que j’avais prié Buloz de lui rembourser. Je doute qu’il l’ait fait car c’est un juif et il ne donne rien pour rien : s’il l’a fait vous n’aurez à lui demander pour moi que trois mille
illustres parisiens. Nous la devons à Madame Anne-Marie Ferra, conservateur de la
cellule-musée de Valdemosa : « 18 février [1839]. — Une diligence venant de Barcelone
s’est arrêtée aujourd’hui devant notre maison. Quatre personnes que je ne connaissais
pas en sont descendues. C’était une dame française avec qui mon père s’était lié
d’amitié à Paris et qu’il m’a dit s’appeler Aurore Dupin. Les autres étaient deux
enfants qu’elle m’a présentés en me disant que c’était les siens, et un monsieur très
mince qui, je l’ai appris, était musicien. Deux messieurs de Barcelone sont descendus
ensuite de la diligence. Mon père les a très bien reçus parce qu’il les attendait.
Ils ont tous gagné le salon du haut où se trouvaient ma mère et ma tante Joaquina.
Nous avons déjeuné tous ensemble et j’ai appris qu’ils venaient de Majorque où ils
avaient passé une saison et qu’ils retourneraient bientôt à Paris. L’après-midi ils
se sont reposés et pendant la veillée nous avons parlé de beaucoup de choses et j’ai
admiré le talent de la dame qui, de toutes les personnes présentes, parla le plus.
19 février : Ce matin nous sommes sortis avec nos parents et les étrangers
pour visiter le village. Madame Dupin donnait le bras à ma mère et nous allions
avec le musicien qui n’a presque pas parlé, peut-être parce qu’il ne sait pas bien le
français. Son silence nous a fait croire qu’il n’était pas en bonne santé. Les enfants
étaient restés chez nous avec ma tante. Nous avons déjeuné à la maison Ramis parce
que le maître de la maison. M. Mana, a voulu les recevoir. Pendant l’après midi,
nous avons été à la Pietat, dans une vigne de mon père, et ils ont dit que cela leur
plaisait beaucoup. M. Lieu m’a dit ce soir que cette dame était de vie très libre, mais
qu’elle écrivait très bien et qu’elle avait fait grand tapage en France. Personne ne le
penserait en la voyant ou en lui parlant.
20 février : Aujourd’hui les étrangers, accompagnés par mon père, sont
repartis pour Barcelone et nous avons tous été jusqu’à la Picordia où nous avons
pris congé d’eux. Pendant qu’on attachait les chevaux. Mme. Dupin m’a embrassé et
m’a dit qu’elle m’attendait à Paris avec mon père. Je ne sais pas si on me permettra
d’y aller. Ils sont partis à neuf heures du matin ».