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Claude Paysan

bruit, en bas, comme des plaintes… Peut-être sa mère… il écouta… Non, c’était seulement Gardien qui geignait, qui grognait, tapait violemment le plancher de sa longue queue dans des visions de rêve ou de batailles imaginaires…

… Alors Claude après avoir repris ses fleurs, les remettait dans leur enveloppe, puis, comme dans un oubli insensible et graduel de tout, il s’enfonçait lentement dans un abîme de pensées étranges et bizarres.

Les êtres et les choses s’enfumaient, s’embrouillaient, tourbillonnaient autour de lui ; il ne distinguait plus rien.

Assis, adossé au mur, les jambes allongées sur une chaise auprès de lui, les mains relevées en appui derrière sa tête, il avait fermé les yeux tout-à-fait, non pour dormir, mais pour rêver, mais pour réfléchir dans le calme, mais pour que son imagination seule, à l’abri de toute distraction du dehors, lui rappelât plus nettement une infinité de visions qu’il voulait revoir.

Et tout de suite ça s’était mis à défiler rapidement dans son imagination tous les dessous de son existence. À mesure, il en jugeait les détails ; il s’arrêtait longuement à tel souvenir, glissait sur celui-là et il esquissait en même temps ces mouvements inconscients de paupières et de lèvres qui expriment, même dans le sommeil vrai, la nature des pensées qui occupent le cerveau.

Il y avait cependant un drame sombre, un point lugubre de sa vie qui revenait sans cesse sous mille