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Claude Paysan

Soutenue seulement par l’effort nerveux et inconscient de sa volonté, elle se courbait sous la violence des rafales répétées, prête à choir, trébuchant au moindre obstacle.

Alors Jacques doucement la soutenait par le bras, lui enlevait la lanterne des mains… Elle s’était laissée faire, la pauvre, voyant bien qu’elle n’en pouvait plus ; et peut-être que ça irait plus vite ainsi.

P’tit Louis qui les avait d’abord regardés s’éloigner, les avait ensuite rejoints en courant.

— C’est ici, leur disait-il, c’est ici… sur la côte… Il a poussé son canot, et…

Hou… hou… hou…

Non, ce n’était pas le vent qui faisait ce bruit en soufflant ; c’était un cri, un hurlement étouffé qui traversait par intermittence le fracas des bourrasques et des vagues en démence.

— Mon Dieu ! oui… Gardien, c’est ça… c’est lui… répétait follement la mère Julienne sans plus rien écouter… C’est ça… c’est Claude… Elle se démenait sur le bord de la grève…

… Et pas de canot…

Elle s’emparait de nouveau de la lanterne, sauvagement, elle s’agitait, piétinait, les pieds dans la vase comme avec la tentation de se jeter à la rivière…

Et pas de canot…

Jacques savait où il y en avait un, auprès, celui du voisin, il allait courir le chercher. Mais elle ne comprenait rien, elle voulait y aller aussi, elle l’éclairerait, et, malgré Jacques, elle le suivait à travers les ajoncs, les algues rampantes, avec p’tit Louis.