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Claude Paysan

Hou… hou… hou… loin, là-bas.

… Justement, le canot y était, chassé sur la grève par les embruns qui déferlaient… La mère Julienne embarquait déjà, sans attendre… Oh ! que ça prenait du temps ; Jacques ne pouvait le remettre à flot ; le vent le reprenait toujours et le lançait sur le sable de la côte…

… Que ça prenait du temps… Et toujours ce hurlement… hou… hou.

Alors, la pauvre vieille, tout à fait affolée, redescendait dans la vase, poussait elle aussi maintenant, s’écorchait les mains aux rugosités des tolets, s’arc-boutait.

Et c’était sinistre dans la lumière vacillante de la lanterne, sous un commencement de rayon de lune blafard, cette vieille femme, son bonnet arraché, sa jupe toute salie de boue et tordue avec des claquements de voile, qui se raidissait d’un suprême effort de ses muscles pour courir au secours de son fils.

— Enfin, le canot flottait, Jacques avait empoigné les avirons… et ils s’en allaient tous les trois à travers les vagues, dans des balancements horribles de chûte.

Maintenant que c’était fini, tous les obstacles vaincus, la mère Julienne, qui se tenait écrasée en paquet au fond du canot, s’était mise à trembler de tous ses membres, d’épuisement et de peur… Ça allait presque trop vite à présent et à mesure que le sinistre hurlement se rapprochait, elle aurait voulu ne plus rien voir, ne plus rien entendre, s’ensevelir pour toujours au fond des eaux noires.