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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/184

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et envers un enfant encore… envers un pauvre enfant. que vous pourriez sauver ? » acheva-t-il. L’image exsangue de son petit Gérard… de Marcelle, seule là-bas, lui était revenue à l’esprit.

— « Le droit », rétorqua Verneuil avec un dédaigneux plissement de lèvres. « Eh ! bien, je le prends ce droit, si je ne l’ai point. »

— « Misérable sans cœur » lui jeta Lucas exaspéré et s’avançant sur lui les poings crispés. « Sans cœur, » gronda-t-il, hors de lui-même.

— « Moins sans cœur que vous ne l’êtes vous-même, de Beaumont », répliqua, à son tour Verneuil, tout en se garant. « J’aurais eu le cœur, moi, de me conserver les moyens de payer les soins réclamés par mon enfant… L’avez-vous eu, vous ?… »

À la vérité, Verneuil n’obéissait pas à ce moment à un simple souci de gain. Il avait seulement d’instinct mis à nu, chez Lucas, le point le plus douloureux à meurtrir, et il répétait, comme s’il eût porté des coups de lancette : « L’avez-vous eu ce cœur-là ? L’avez-vous eu ? »

Lucas avait chancelé sous la justesse brutale de l’apostrophe. Sa révolte évanouie, sa tête courbée, il acceptait la condamnation. Et comme une bête blessée, qui ne cherche plus qu’à se terrer dans un coin quelconque, il avait tourné sur lui-même dans un gémissement de douleur. Car c’était vrai, hélas, qu’il ne lui restait rien, rien en poche.

Tranquillement, il ramassa sa casquette tombée dans l’emportement passager de la colère et avec un regard furtif et poignant, qui demandait encore : —