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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/195

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Chez les Duvert, le docteur était pareillement atterré, autant par la mystérieuse nature du drame que par le désarroi douloureux qu’il soupçonnait exister au même moment dans l’esprit de sa fille et qu’il faisait mine de ne point percevoir. Souvent c’est là le pire tourment des pères de se croire tenus, en de telles circonstances et par secrète gêne de cœur, de ne rien laisser transparaître de leurs propres obsessions. De son côté, tout en poursuivant la conduite tranquille de son ménage, la vieille Marianne avait aussi longuement réfléchi, retourné et analysé la situation dans tous ses aspects. Jacqueline n’était-elle pas, en effet, un peu son enfant et ne l’avait-elle pas de tout temps entourée de ses soins comme une véritable mère ? Bien que rien, même en son temps lointain de jeunesse, n’eût en réalité jamais battu d’amour dans sa pauvre poitrine, elle s’était, malgré son inexpérience de cœur, formé de ce sentiment une conception très juste. Toutes les femmes d’ailleurs possèdent sur ce point une intuition spéciale presque instinctive. C’est pourquoi, en récapitulant les impressions confusément entassées dans sa mémoire, elle avait toujours trouvé dans l’attitude de Jacqueline un côté étrange, inexpliqué et mystérieux, qui démentait justement cette conception qu’elle s’était faite de l’amour vrai. Alors, aux bonnes voisines qui tristement s’attendrissaient en sa présence, s’empressait-elle de répliquer un peu aigrement, en corrigeant leurs doléances et comme pour mettre Jacqueline au-dessus des atteintes d’un Verneuil : « Ah !