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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/249

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vous n’êtes que les dupes de la terre, laquelle abuse de votre travail. »

Et perdant toute mesure sous le coup de multiples désapprobations, il leur cria en se retirant :

— « Oui, changez de métier, changez de pays, s’il le faut, et ne vous ensevelissez point de cœur joie, comme vous le faites, dans l’étroit sillon que vous creusez. »

Le docteur Duvert se trouvait parmi les auditeurs. Appelé auprès d’un malade des environs, il s’était empressé, sa visite terminée, de faire acte de présence à l’assemblée. S’il avait en grognant écouté les assertions paradoxales du hâbleur politique, il avait accueilli avec transport la chaleureuse riposte de Yves.

Cette généreuse intervention, arrachée à la solidarité filiale bien plus qu’au désir de se mêler au débat, avait révélé chez son auteur autant de cœur que de culture. C’est pourquoi le docteur avait-il d’un mouvement spontané, lancé son nom en l’invitant à répondre.

Le nom fut repris par la foule et les appels : … Yves !… Yves… de Beaumont, les battements de mains, nombreux et pressants, ne cessèrent qu’à l’apparition de Yves, debout et nerveux, gêné sous les regards attentifs.

« Camarades », dit-il, « selon que vous le disait ce monsieur, mon expérience est en effet peu complète puisqu’elle ne date que du jour encore récent où je suis venu reprendre au milieu de vous la place que je n’aurais jamais dû quitter. Cependant les illusions éteintes de ma vie m’ont déjà appris à connaître les