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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/79

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vers la porte, entraînant avec lui Marcelle qui se tenait toujours lamentablement accrochée à lui.

— « Oui, il irait, il irait… rien ne l’empêcherait, » répétait-il, dans un entêtement de brute et froidement indifférent aux prières de sa femme.

Sans doute, il aurait cédé tout de suite, s’ils eussent été seuls, mais à présent il fallait bien s’en aller, repartir pour le cabaret, puisqu’il l’avait orgueilleusement affirmé devant tous.

Il avait saisi la poignée de la porte. Les frêles mains que Marcelle lui opposait, les paroles tourmentées qu’elle persistait à semer de prières et d’attendrissantes supplications, tout demeurait impuissant, et il passait déjà de rapides rayures de nuit froide et noire par les brusques entrebâillements de la porte sous les saccades de la lutte. Alors se sentant finalement vaincue, Marcelle avait jeté, de son regard autant que de ses lèvres, un appel navré vers Yves. Celui-ci n’eut en réponse qu’un cri de colère contenue et humiliée :

— « Lucas !… Tu ne sortiras pas, » et d’un bond, il courut s’adosser au chambranle.

À ce moment, il ne restait plus chez Lucas que la surexcitation brutale de l’alcool. Secoué par la passion, son cerveau s’était peu à peu désembué et ses muscles avaient en partie retrouvé leur ressort. Se redressant crispé, il ébaucha un vague ricanement de pitié, tout en tenant ses yeux fixés sur Yves comme pour lui dire : Es-tu assez fou pour tenter de me tenir tête ?

Yves ne serait pas assez fou, en effet, de chercher