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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/80

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à le retenir ; non parce qu’il n’en possédait pas la force — et de son regard, à lui, également rivé sur celui de Lucas, il cherchait à l’en bien pénétrer — mais il ne s’en sentait point le cœur. Il avait éprouvé une gêne subite et torturante en entrevoyant à quel vulgaire spectacle ils allaient tous deux se livrer, là, devant Jacqueline dont il venait d’apercevoir la douloureuse expression d’angoisse et de terreur. Sans prononcer un mot, il retourna tranquillement à son siège et s’y jeta avec, le geste accablé de quelqu’un qui se soumet à une opération. Marcelle aussi s’était reculée de quelques pas dans une pareille attitude résignée et muette.

Maintenant qu’aucun obstacle ne s’offrait, Lucas ne savait apparemment plus que faire. Il restait dérouté, hésitant auprès de la porte encore entrebâillée, et comme cherchant à démêler ce qui se passait. Il finit sans doute par débrouiller ses idées, car il entrouvrit bientôt doucement la porte et s’enfonça dans la nuit et la bise froide de novembre.

Marcelle écouta un instant ses pas pesants retentir sur le perron, sur la terre gelée, plus loin, et, avec une explosion de sanglots qui parut lugubre dans le calme lourd de la pièce, elle courut coller son front et ses yeux pleins de larmes amères aux vitres de la fenêtre. Mais il était impossible de rien distinguer, rien, à travers l’obscurité profonde. Où irait-il donc se perdre, son Lucas, seul, dans l’état où il se trouvait ? » pensa-t-elle, et, en hâte, elle s‘e précipita dehors à son tour.