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taient en vain, à ce moment, de se déprendre provenait de là.

Oui, ils ne s’étaient jamais parlé, jamais. Et pourtant que de sentiments latents qu’ils laissaient le monde interpréter ou déformer à son gré, s’étaient à la longue sourdement échangés entre eux aussi nettement que par une voix. Car Jacqueline savait bien que celui qui se trouvait alors devant elle lui avait pénétré et disséqué l’âme jusque dans ses plus intimes tréfonds ; elle savait qu’il y avait deviné et suivi le lent travail d’infiltration secrète que son amour pour Yves avait accompli ; elle savait encore que, parallèlement à ce sentiment qu’il était le seul à connaître chez elle, il en existait un chez lui d’un ordre tout à fait semblable et qu’elle avait été pareillement la seule à pleinement découvrir. Bref, elle se savait secrètement recherchée de Verneuil, bien qu’elle le fuît, et elle savait qu’il le savait.

Elle n’avait donc pas trompé Verneuil, elle ne les avait trompés ni l’un ni l’autre, la réponse indifférente, quoique polie, tombée des lèvres de Jacqueline. Bien qu’ils eussent ainsi réciproquement pénétré leurs secrets d’âme, ils se sentaient au fond trop physiquement étranger l’un envers l’autre pour oser enlever le masque extérieur qui avait jusque-là voilé leurs pensées. À ce moment d’ailleurs, leur embarras d’attitude, l’hésitation de leurs paroles auraient ouvertement démenti leurs meilleurs efforts, eussent-ils voulu feindre d’ignorer ce qui restait en suspens entre eux.

La dernière fois qu’ils s’étaient vus c’était à l’occa-