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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/99

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sion de la mort de la mère de Beaumont. Il y avait plus d’un mois.

Une fois les funérailles finies, le saisissement général passé, les dernières paroles de sympathie exprimées, le temps avait repris pour tout le monde de la paroisse sa marche endormeuse et semeuse d’oublis, mais chez Jacqueline et Verneuil, l’évènement avait laissé une empreinte plus durable, puisqu’il se doublait d’un souvenir d’un ordre tout spécial. Pour tous, en effet, cela n’avait alors été qu’une explosion de naturelle pitié féminine, les sanglots de Jacqueline mêlés à ceux de Yves ; mais pour Verneuil, mais pour elle-même, c’était la constatation irrécusable d’un sentiment dont ils avaient jusque-là pareillement ignoré la profondeur. Et rien qu’en se trouvant ainsi tout à coup face à face, ils sentaient, à travers le désordre de leurs pensées, ce souvenir sans cesse sourdre dans leur esprit et battre comme un lancinement.

Chez Verneuil toutefois, la contrainte, que ce souvenir éveillait dans sa conscience d’amoureux, se doublait, dans sa conscience de médecin, d’un autre malaise qu’il ne parvenait momentanément à dompter qu’en traînant la conversation à travers mille circuits étrangers. Mais malgré ses efforts, la mémoire de toute la scène revenait avec une si persistante ténacité dans son esprit que tout à coup, sans transition et sans même s’en apercevoir, il sentit fuser de ses lèvres les paroles redoutables et tentatrices qu’il avait réussi jusque-là à taire : — « Et notre pauvre vieille de Beaumont ?… — C’était affreux, n’est-ce