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L’ŒIL DU PHARE

Il est vrai que dans la pièce voisine, où l’on dresse les mets abondants de la table, des plaisants bien intentionnés ont apporté secrètement deux couronnes agrestes, en paille d’avoine et paille de blé, piquées de quelques roses domestiques. Elles devaient vous faire sourire de contentement, ces couronnes. Mais déjà mademoiselle Esther a cueilli presque sur sa lèvre carminée la fève qui la fait proclamer reine, et tout de suite, voilà le sort ! Hector Hardy montre à tous, en le tenant délicatement du pouce et de l’index, le pois qui le désigne à la royauté éphémère de la soirée. Bien peu des joyeux convives ont pu remarquer qu’au même instant une subite pâleur au front de Jean Pèlerin a trahi chez lui quelque malaise, mais personne n’en saura la cause. Personne ne saura, pour le moment du moins, qu’il vient aussi de croquer un pois ; que la supercherie s’accuse à lui seul, et que le rôle de prétendant frustré lui met au cœur un dépit qu’il ne connaissait pas encore.