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L’ŒIL DU PHARE

priant pour les miens, je suis sûr qu’elle prierait pour moi, aussi bien disparu. »

Le lendemain, après midi, LE DESTIN, navire à vapeur du port de Brest, sortait du bassin de Québec et disparaissait au tournant de la Pointe-Lauzon. Au milieu de son équipage joyeux de revoir encore une fois la patrie française, le novice Jean Pèlerin voit pour la première fois fuir à ses yeux la patrie canadienne.

Le branle-bas de partance, l’initiation à son travail durant les premières heures de la course ne lui ont pas permis d’en bien réaliser le fait. Mais sur la fin de la soirée, seul et réfléchi, il prête une oreille attentive à la conversation du pilote et d’un jeune lieutenant là-haut sur la dunette. Le ronflement de l’hélice et l’ébrouement de l’étrave dans l’onde enténébrée ne l’empêchent pas d’entendre distinctement ces voix solitaires qui s’élèvent dans la nuit :

— « Et ces trois feux de marine qui scintillent de file à tribord, qu’est-ce donc, pilote ?

— La Pointe-aux-Orignaux, que nous