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PATRIE

venu demander que son bien-être matériel, sans pouvoir y instaurer sa légende familiale. Et je suis un sans patrie ! Tu es bien heureux, toi, de retrouver ici plus intégralement l’âme des tiens, qui te parle d’eux en ces lieux où ils sont nés et sont morts ; dans la poussière des routes et l’herbe des champs qu’ils ont foulés de leurs pieds ; dans le souffle qui passe sur leurs tombes ; dans tous les échos d’alentour auxquels ils ont exhalé leurs joies et leurs tristesses. Voilà ce que tu retrouves, en ce moment, sur ton arpent de terre canadienne, et ce que je chercherais vainement au milieu de mes valeurs américaines. Voilà aussi pourquoi, il faut bien en convenir, tu ne mourras pas à Cincinnati.

— Et pourquoi, voyons, malgré tout cela, ne mourrais-je pas à Cincinnati ?

— Parce que tu ne voudras plus y vivre aussi heureux qu’ici, puisque je réponds à ton exclamation de tout à l’heure !

« Dieu a mis l’âme des ancêtres dans les choses matérielles de la patrie, de même que l’homme se plaît à mettre l’âme de sa patrie dans un morceau de toile au bout