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L’EFFET MORAL

dentellent la rive nord du grand fleuve jusqu’aux îlets de Mingan. Puis, s’il lui reste du temps avec du bon vent, il mettra le cap sur les parages d’Anticosti et la côte gaspésienne qu’il connaît très bien. Quant au Saguenay, c’est après tout cela, vent en poupe ou à bordées trop courtes, maugréant à chaque virage, ou accroché ici et là, sous des caps géants qui lui cachent l’horizon, qu’il en fera, en rechignant, les honneurs à ses hôtes, quand on le paie bien.

Les deux jeunes gens, surtout Émile, ne manquaient pas de s’amuser de son caprice. Les trois autres marins de l’équipage, entravés par la discipline, se contentaient secrètement de faire part aux « bourgeois » des lubies d’Augustin. On leur fit remarquer ainsi, ce qui égaya beaucoup l’Américain, que depuis trois semaines de cette croisière, durant la journée du samedi, on naviguait toujours pour rallier quelque poste établi, en vue d’un clocher de chapelle ou d’église, hélas, trop rares, bravant même le péril, s’il le fallait, pour atterrir et tenter un débarquement qui conduira