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ÉTIENNE DOLET

étudiants qui avaient été témoins de son martyre[1]. Dolet était présent à cette tragédie, il nous l’apprend en y faisant imprudemment allusion dans son second discours. Il ne nous cache pas que Caturce avait toutes ses sympathies, et nous voyons que sa haine amère pour les persécuteurs était ce que nous pourrions nous imaginer. Bien qu’il n’eût point adhéré lui-même aux doctrines des réformateurs, et bien qu’il eût cette sorte d’esprit pour lequel les distinctions dogmatiques concernant l’invisible et l’inconnu sont indifférentes et incompréhensibles, il regretta cette obstination — pour lui, tout cela n’était qu’une simple question de mots et de noms sans aucune réalité ou substance — qui privait l’université d’un de ses plus beaux ornements, et il déplora que Jean de Caturce n’eût pas suivi l’exemple prudent de Jean de Boyssone. Quoique les noms de Jean de Caturce et de Jean de Boyssone soient presque oubliés, il n’en est pas moins vrai que le martyr évangélique, aussi bien que le professeur soumis, ont trouvé place dans le livre de Rabelais, qui n’hésita pas à exprimer toute l’horreur que lui inspirait le supplice de Jean de Caturce dont le bûcher s’allumait, lorsqu’il composait le premier livre de Pantagruel. « De là vint à Thoulouse, où il apprit fort bien à danser, et à jouer de l’espée à deux mains, comme est l’usance des escoliers de ladite université ; mais il n’y demeura gueres, quand il vit qu’ilz faisoient brusler leurs régens tout vifz comme harans soretz, disant : Ja Dieu ne plaise que ainsi je meure, car je suis de ma nature assez altéré sans me chauffer davantage[2] ! »

  1. Hist. des Martyrs, 99 b ; Th. de Bèze : Hist. Eccl., vol. 1, p. 7 et 8 (Lille, 1841). J’ai laissé de côté les détails que donne le Martyrologe sur les paroles prononcées par Caturce, car il semble peu probable qu’une telle liberté de langage eût été tolérée. La Faille ne croit pas qu’il prononça les paroles qu’on lui prête, mais, quoique cet historien soit fort bon catholique, il admet que Caturce était un homme de savoir et de vertu et qu’il supporta la mort avec fermeté et courage. Bursault, un contemporain, le dit dans son journal qui faisait autrefois partie des archives de Toulouse. La Faille : Hist. de Toulouse.
  2. Livre II, ch. 5.