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ÉTIENNE DOLET

ciaux, colonie, qui vers la fin du seizième siècle comptait plus de cinquante-neuf familles. Les Pazzi et les Gondi s’étaient établis à Lyon au quinzième siècle, et avaient montré aux Français que, dans le pays le plus civilisé du monde, la carrière du commerce n’était pas incompatible avec la haute naissance, les manières polies, et la culture littéraire et artistique. Venant du pays qui était le berceau de la littérature et de l’art, les Italiens apportaient avec eux cette civilisation plus raffinée que ne connaissait généralement pas la France d’alors.

Les savants grecs et italiens, qui suivirent, introduisirent de ce côté-ci des Alpes la connaissance du grec et firent mieux apprécier la littérature latine. Lyon, alors, comme aujourd’hui, riche, remuant, libéral et aimant le progrès, avait offert à la colonie une hospitalité de bon aloi et en avait été récompensée, non seulement par une civilisation et une culture plus solide, mais encore par les avantages matériels que les Italiens lui rendirent. Toute grande et toute florissante qu’eût été la ville depuis plusieurs siècles, c’est à la colonie italienne que Lyon dut l’introduction de cet art qui, dans la suite, en fit la plus grande et la plus florissante des villes commerciales de la France, je veux parler de la manufacture des soies. Elle devint le quartier général de tous les échanges d’argent et de marchandises qui se faisaient entre la France et l’Italie. Les étrangers y faisaient construire des palais qui égalaient en solidité et en splendeur ceux de leurs ancêtres de Florence ou de Lucques. Ils ornaient les églises avec une magnificence jusque-là inconnue. Ce fut pour la chapelle florentine, qui se trouvait dans l’église des Dominicains de Lyon (laquelle, par un privilège spécial, fut désignée comme l’église paroissiale des Florentins), que Salviati peignit son chef d’œuvre : l’Incrédulité de saint Thomas.

Nulle part, en dehors de Paris, on ne pourrait trouver au seizième siècle autant d’hommes de lettres distingués qu’à Lyon. Les Lyonnais et les gens lettrés qui habitaient régulièrement la ville, étaient fort nombreux, et plusieurs