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ÉTIENNE DOLET

œuvre d’un si grand mérite et avait ainsi donné à Finet un prétexte plausible pour commettre son vol… Mais je ne saurai dire combien cette publication affectera l’auteur et combien amères seront les plaintes qu’il nous adressera… Lyon, 3 août. »

Il est difficile de croire qu’on puisse être la dupe de ces manœuvres, et cette publication porte autant d’atteinte à la bonne foi de Dolet que la publication des lettres de Swift en porte à celle de Pope. Chez l’un comme chez l’autre les motifs étaient les mêmes, dans l’un et l’autre cas l’habileté déployée était déjouée par une vanité qui dépassait la mesure. En livrant à la publicité ces discours — on n’y trouve rien qui justifie cet honneur et beaucoup de choses qui devaient irriter certaines personnes — Dolet fit preuve de manque de tact ; mais on est disposé à pardonner cette faute à l’auteur vain et habile : l’hostilité implacable que ses discours avait excitée parmi les dévots et les ignorants, autant que les louanges exagérées de ses amis, lui avaient tourné la tête. Toutefois on ne saurait excuser la publication d’un grand nombre de lettres. On peut s’expliquer certainement que Dolet ait désiré faire voir à tout le monde qu’il entretenait une correspondance avec Jean de Pins, Pierre du Châtel, Langeac et même l’illustre Budé, et il n’y a rien dans les lettres de Jean de Pins et de Budé qui puisse faire désirer qu’elles ne soient pas imprimées ; mais publier les épîtres de Boyssone, qui avait failli avoir le sort de Jean de Caturce et dont les lettres avaient un caractère si compromettant que Dolet n’osa pas donner le nom de l’auteur (bien qu’il soit apparent), publier les lettres d’Arnoul Le Ferron qui avait expressément demandé qu’elles fussent tenues secrètes[1], celles de Bording qui parlait ouvertement des personnes et des choses avec une liberté qu’il n’aurait pas prise s’il avait supposé que ses lettres vissent le jour, sans compter que ces révélations rendues publiques auraient pu

  1. Voir plus haut, p. 125.