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CHAP. X. — LES CICÉRONIENS

une douzaine de lignes ce qu’il aurait pu exprimer en une demi-ligne.

Malgré les termes respectueux dans lesquels Érasme avait parlé de tous ceux qui, à l’époque, écrivaient ou cherchaient à écrire dans le style de Cicéron et surtout de Bembo et de Sadolet, les deux plus illustres cicéroniens, le Ciceronianus excita une grande indignation parmi les imitateurs serviles du célèbre orateur romain. Les Français étaient irrités du peu de cas qu’Érasme paraissait faire de Budé, les Italiens s’obstinaient à croire que Nosoponus n’était autre que Bembo. Les deux futurs cardinaux, il faut le dire, n’étant pas simplement cicéroniens, mais hommes du monde, ne furent nullement offensés, ils étaient probablement tout prêts eux-mêmes à se moquer des absurdités de leurs partisans.

Agen était alors la résidence d’un Italien encore inconnu et obscur qui possédait une grande science et une grande habileté, mais dont la vanité, l’amour-propre, la violence de caractère et la brusquerie de langage égalaient et peut-être même surpassaient les vrais mérites. Il appartenait à la plus noble et à la plus ancienne famille du monde. Dans ses veines coulait le sang de princes et d’empereurs qui plus que personne s’étaient distingués par leur bravoure, leur générosité, et leur magnanimité.

Il était le sixième descendant de l’empereur Louis de Bavière. Matthias Corvin, roi de Hongrie, le dernier, le plus accompli et le plus infortuné des Hunyades était son proche parent. Qui n’a pas entendu parler des dix filles de sa parente, Béatrice, duchesse de Milan, qui toutes furent alliées aux plus grandes maisons royales de l’Europe, l’une au roi de Sicile, une autre au fils du roi d’Angleterre ?

Quoi qu’il en soit, sa personnalité était plus marquante que celle des plus illustres de ses ancêtres. Il réunissait en lui les caractères de Masinissa et de Xénophon, mais cette double comparaison ne donne encore qu’une idée faible et insuffisante de l’homme. À dire vrai, il surpassait l’un et l’autre de ces