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Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/216

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ÉTIENNE DOLET

fois. Le sens est une considération secondaire. Bulephorus fait voir ensuite tout ce que cette théorie a d’absurde, et, employant la méthode de Socrate, il présente ses questions de telle manière que Nosoponus ne peut pas se refuser à se ranger à l’avis de son adversaire. Il trouve moyen de faire dire à Nosoponus que l’humour fait partie de la rhétorique et que Cicéron en manquait totalement ; que la concision est nécessaire parfois et que Salluste et Brutus nous en offrent les meilleurs modèles ; que certaines parties des œuvres de Cicéron ne nous sont point parvenues et que par conséquent personne ne peut être parfait cicéronien, puisqu’on doit ignorer un grand nombre de mots et de phrases dont Cicéron s’est servi ; que même dans les ouvrages que nous avons de lui, Cicéron n’est pas toujours égal à lui-même, qu’il estimait certains de ses livres plus que d’autres et que ceux qui le copient avec tant d’exactitude ne sont après tout que des singes n’ayant rien, ni de son génie, ni de ses pensées et ne réussissant à nous donner que des imitations ridicules de son style. Bulephorus montre aussi qu’il est complètement impossible de parler des doctrines et des mystères du christianisme à l’aide des mots de Cicéron, et il fait voir à quelles absurdités sont arrivés ceux qui ont voulu tenter cette entreprise. Il passe en revue les différents auteurs latins qui ont suivi Cicéron et explique clairement qu’aucun d’entre eux ne fut cicéronien si l’on se fonde sur les idées de Nosoponus. C’est dans ce passage de son dialogue qu’Érasme offensa si fort les Français, en mettant Bade et Budé au même rang, et en insinuant que peut-être la supériorité revenait à Bade au point de vue du style latin. Il consacre plusieurs pages à Longueuil, et tout en reconnaissant l’élégance, la pureté et les autres mérites de sa prose, l’habileté de ses arguments et la justesse de ses vues, il met en lumière l’affectation et le vide des discours de ce jeune cicéronien vaniteux et guindé, qui écrit des pages entières de mots et de phrases dépourvues de toute idée et souvent absurdes, et qui dit en