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Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/220

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ÉTIENNE DOLET

sator, furoris alumnus. Il est scelestus, mentiens, insaniens, barbarus, blateraus.

La publication de cette harangue, tout en répondant à l’attente de son auteur, puisqu’elle lui procurait la notoriété qu’il recherchait, fut pour lui la source d’une amère mortification. Il avait espéré qu’Érasme lui répondrait sur-le-champ et que de cette manière il aurait l’honneur d’engager une polémique avec le plus grand savant du siècle. Mais Érasme était trop habitué aux injures pour prêter grande attention à ce discours, et il vit bien que cette harangue ne pouvait en aucune façon porter atteinte à sa réputation. Aussi il n’y répondit pas ; il n’avait jamais encore entendu parler de l’auteur de cet écrit et pensait, assez naturellement, que ces violentes injures personnelles ne devaient provenir que d’une violente inimitié personnelle. Érasme ne crut pas que c’était Scaliger qui fût le coupable, mais il attribua le discours à Aleander, dont il était certain de reconnaître le style. Il écrivit le 5 mai 1532 : « Moi qui connais Aleander sur toutes les coutures, je suis aussi sûr que c’est lui, que je suis sûr que j’existe[1] ». Scaliger attendit en vain qu’on répondît à son livre. Mortifié du silence méprisant d’Erasme, il songeait à écrire une nouvelle harangue sur le même sujet, lorsque, en avril 1535, il reçut de ses amis Merbelius et Laurentins une lettre[2] qu’Érasme leur avait écrite le 18 du mois précédent, lettre dans laquelle il se défendait d’être un ennemi de Cicéron et disait qu’il savait que ce discours si plein de mensonges et d’injures n’avait pas été écrit par Scaliger. Nous pouvons comprendre tout ce que Scaliger ressentit de rage et de mortification en lisant cette lettre que lui envoyaient ses excellents amis sans un mot de sympathie ou même de politesse. Il se disposa immédiatement à composer une seconde

  1. Erasmi Épistolæa, no 1218 (édit. de Le Clerc) « Ego qui de domestico convictu ac lectuli quoque contubernio totum intus et in cute novi, tam scio esse ovum illius quam scio me vivere ».
  2. Épist. 1278.