Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
ÉTIENNE DOLET

envoyer votre lettre. Je n’ai pas encore présenté mes devoirs à Budé, ce qui, de ma part, peut être considéré comme un grave oubli ; j’irai le voir à la première occasion et pour ce, je ne me ferai pas faute d’interrompre mes travaux et mes études présentes pendant quelque temps.

« Maintenant vous devez être anxieux d’apprendre ce qu’on fait et ce qu’on dit à Paris. Aussi vous dirai-je tout ce que je sais. Ce serait une tâche ennuyeuse et difficile pour moi de vous donner une idée de la grande confusion dans laquelle les choses sont ici. Dans les conversations du vulgaire on n’entend parler que des insultes faites au Christ par les luthériens. Cette secte stupide, poussée par une ardente passion pour la notoriété, a propagé dernièrement certains reproches dirigés contre le culte chrétien[1], qui ont enflammé encore plus violemment la haine dont ils avaient été l’objet auparavant. Plusieurs ont été jetés en prison comme suspects d’erreur luthérienne, les uns appartenaient à la lie du peuple, les autres au plus haut rang de la classe marchande. Dans ces tragédies[2] je joue le rôle de spectateur. Je déplore la situation, je plains les malheurs de quelques-uns des accusés, mais je me ris de la folie de certains autres qui mettent leur vie en danger par leur entêtement ridicule et leur obstination insupportable.

« Écrivez-moi des lettres aussi longues et aussi nombreuses que possible. Dites-moi d’abord tout ce qui vous concerne et ensuite tout ce qui se passe à Lyon ; n’oubliez pas de me nommer ceux qui me sont favorables et ceux qui me sont hostiles au sujet de l’édition de mes discours qui vient d’être publiée. J’apprends que la rage des Toulousains contre moi n’est nullement calmée et qu’ils s’efforcent méchamment de

  1. L’affaire bien connue des placards (octobre 1534).
  2. Ce ne fut que le jour suivant que les cinquièmes actes de ces tragédies furent représentés. Le 10 novembre 1534, comme nous l’apprend le journal d’un Bourgeois de Paris, trois hérétiques furent livrés aux flammes en place Maubert à Paris, et à dater de ce jour jusqu’au 5 mai 1535, on ne brûla pas moins de vingt-deux personnes pour hérésie.