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ÉTIENNE DOLET

« Il me semble être du nombre de ceux dont saint Augustin et Érasme lui-même nous disent : riez quand ils pleurent et pleurez quand ils rient ; c’est bien ce que j’ai fait lorsque j’ai lu son livre. J’ai été bien chagriné, je vous assure, de voir un homme aussi versé dans la littérature polie, aussi baptisé par elle (si je puis m’exprimer ainsi), faire preuve de tant de brutalité et de tant d’impiété. Dieu m’est témoin, mon cher Gilbert, que ce n’est pas poussé par un zèle trop vif, mais par l’affection, que je vous écris toutes ces choses.

« Et permettez-moi de m’arrêter au milieu de ma course, de peur que, si j’en dis plus long, je ne semble vouloir me montrer sage plus que de raison. Car je ne prétends pas voir tous les côtés de la question. Aussi, qu’Érasme pense qu’il soit utile de répondre à Dolet, ou qu’il ne pense pas que cela en vaille la peine, je me déclarerai satisfait. Je sais que tout ce qu’il croit être juste, l’est en effet. Je termine donc ma lettre en priant Dieu qu’il vous ait ainsi qu’Érasme en sa sainte garde. Strasbourg, 29 octobre 1535. »

Malgré ce ton peu bienveillant, cette épître nous permet de nous faire une idée exacte de Dolet : nous le voyons fatigué par l’étude et les labeurs au point qu’Odonus le prend pour un homme de quarante ans, quand il n’avait réellement que vingt-six ans. Ses vêtements sont pauvres et sales, sa figure n’a aucun charme, il est plein d’enthousiasme pour la science, et surtout pour Cicéron, il est rempli en même temps de vanité et d’infatuation de soi-même, et il croit que ses méchants discours méritent vraiment l’attention du monde entier, il ne se soucie que de l’étude et de la gloire littéraire. Telle est l’impression qu’on recueille après avoir lu la lettre d’Odonus.