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ÉTIENNE DOLET

L’ouvrage est dédié à un personnage qui n’était pas moins remarquable comme écrivain que comme capitaine et homme d’État, à Guillaume du Bellay-Langei. Voici cette dédicace :

« Estienne Dolet, a Monseigneur de Langei, humble salut et recongnoissance de sa libéralité envers luy. Ie n’ignore pas que plusieurs ne s’esbaissent grandement de veoir sortir de moy ce présent œuvre : attendu que par le passé i’ay faict et fais encore maintenant profession totalle de la langue Latine. Mais à cecy ie donne deux raisons : l’une, que mon affection est telle envers l’honneur de mon païs que je veux trouver tout moyen de l’illustrer.

« Et ne le puis mieulx faire que de célébrer sa langue, comme ont faict Grecs et Rommains la leur. L’autre raison est, que non sans exemple de plusieurs ie m’addonne à ceste exercitation. Quant aux antiques tant Grecs que Latins, ils n’ont prins aultre instrument de leur éloquence que la langue maternelle. De la Grecque seront pour tesmoings Demosthene, Aristote, Platon, Isocrate, Thucydide, Herodote, Homere. Et des Latins ie produis Ciceron, Cæsar, Salluste, Virgile, Ovide, lesquelz n’ont délaissé leur langue pour estre renommez en une autre. Et ont mesprisé tout autre sinon qu’aucuns des Latins ont apris la Grecque afin de scavoir les arts et disciplines traictées par les autheurs d’icelle. Quant aux modernes, semblable chose que moy a faict Léonard Aretin, Sannazare, Pétrarque, Bembe (ceulx-ci Italiens), et en France, Budée, Boville[1], et maistre Iacques Sylvius. Doncques non sans l’exemple de plusieurs excellents personnages i’entreprends ce labeur. Lequel, Seigneur plein de bon iugement, tu recepvras non comme parfaict en la démonstration de nostre langue, mais seullement comme ung commencement d’ycelle. Car ie scay que quand on voulut réduire la langue Grecque et Latine en art, cela ne fut absolu par un homme, mais par plusieurs. Ce qui se faira pareillement en la langue Françoyse, et peu à

  1. Charles Boville.