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CHAP. XIX. — MAROT ET RABELAIS

de lesperit de Ciceron, avoir rédige en beau volume[1] le livret et gaigne pain des petits revandeurs nomme par les Bisouars. Fatras a la douzaine. Vrayement on len debvroit bien remunerer : et telles belles besoignes meritent bien que Evesques et prelatz soient par ung tel ouvrier esmouchez dargent. Toutesfoys après que les montaignes ont esté enceintes : et que ung petit rat seullement est yssu. Le monde ne sest peu abstenir de rire : et se mocquer en disant. Comment ung tel homme qui se dict si savant : et si parfaict Ciceronian : mesle il de faire ces folies en francoys ? que ne se declaire il en bonnes œuvres : sans faire ces viedazeries : roignonnant, moillant, plaisantant, déclarant (car telz sont sex beaulx motz costumiers) viaidasant, ladrizant, et telles couleurs rethoricques, qui ne sont pas Ciceronianes, mais dignes destre bailles a mostardiers pour les publier par la ville. Tel est ce Monsieur. A dieu lecteur ly, et juge. »

« Cette singulière épître, » fait remarquer M. J.-C. Brunet, qui a le premier appelé l’attention sur ce document, « est tout à fait dans la manière de Rabelais, surtout à la fin, et s’il ne l’a pas écrite entièrement, il y a probablement mis la main : comment supposer d’ailleurs que l’imprimeur se fût permis de la publier dans ce livre sans la permission de l’auteur[2]

Nous devons toutefois défendre Dolet d’une des accusations qu’on lui fait dans cette épître. Il est certain qu’il n’avait pas soustrait les épreuves de l’édition alors sous presse afin de préparer son édition à lui. Cette dernière était, comme on l’a dit plus haut, une réimpression exacte des éditions de 1537 et

  1. Je ne peux pas expliquer ce passage et je n’ai pu trouver la trace du livre dont il est question ici.
  2. J. C. Brunet : Recherches sur les éditions originales de Rabelais (Paris p. 89). M. Brunet croit que Dolet fait allusion à Rabelais dans sa Manière de bien traduire et dans son Traité sur les accents, quand il dit, en particulier dans ce dernier opuscule, qu’il va traiter la question de l’imposition de marque «sans aulcune ostentation de scavoir et sans fricassée de Grec et Latin. J'appelle fricassée une mixtion superflue de ces deux langues, qui se faict par sottelets glorieux et non par gens résolus et pleins de bon jugement.»