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ÉTIENNE DOLET

impulsion au développement de la raison, tandis que la cause adverse arrêta ce développement.

Il y avait alors, comme il y en a eu de tout temps, de nombreux catholiques qui valaient mieux et de nombreux protestants qui valaient moins que leur religion respective : Pierre Duchâtel, Michel de l’Hôpital, le cardinal Sadolet et sir Thomas More font un contraste heureux avec Calvin, Carlstadt, Cranmer et Somerset.

II peut sembler difficile à un observateur superficiel de faire un choix entre Luther et Calvin d’un côté, et Eck, Clément VII et François Ier de l’autre ; Luther avec sa perpétuelle justification par la foi et Calvin avec sa prédestination, sa rigide doctrine trinitaire, son infaillibilité personnelle et sa promptitude à livrer aux mains de l’inquisiteur ceux qui dépassaient d’un cheveu les limites qu’il avait assignées, et, si besoin en était, à les brûler lui-même ; Eck avec sa défense des indulgences et de la primauté du pape ; Clément VII avec sa servilité et son habileté mondaines, et François Ier avec sa piété mêlée de libertinage. Si l’on doit juger l’arbre à ses fruits, on ne saurait nier que Sadolet ne fut plus que Calvin doué de toutes les vertus et grâces chrétiennes, et que dans la discussion qu’ils eurent ensemble, un sentiment chrétien plus vrai ne se montre dans les lettres du cardinal que dans celles de son grand adversaire. Et même les arguments et les doctrines de Sadolet s’accordent mieux avec nos sympathies et choquent moins notre raison que ceux de Calvin. Nous sommes portés à perdre de vue le fait — il ne saurait être mis trop en relief et rappelé trop clairement — qu’au seizième siècle, quelque opinion que nous ayons des vues dogmatiques des réformateurs, le protestantisme par la logique de sa position, bien qu’inconsciemment et parfois involontairement, tolérait la liberté de penser, tandis que le catholicisme, de propos délibéré et avec intention, la repoussait. Le parti catholique avait logiquement et raisonnablement tort ; le parti protestant avait illogiquement et déraisonnablement raison. La liberté du