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ÉTIENNE DOLET

qu’on se souvienne de deux faits qui font son éloge et qu’on leur donne toute l’importance qu’ils doivent avoir. Le premier de ces faits c’est que malgré ses graves défauts de caractère et de tempérament, défauts qui ne devaient pas manquer de paraître immédiatement, Dolet excita l’affection, l’admiration et le respect de tous les hommes savants et vertueux avec lesquels il se trouva en contact, obtint et, du moins pour un certain temps, sut conserver leur amitié. Un homme qui acquit si facilement et conserva si longtemps l’amitié d’hommes qui comme situation, sentiments et caractères, différaient autant que Jean de Langeac, Simon Villanovanus, Jean de Pins, Arnoul Le Ferron, Jacques Bording, Gui de Breslay, Jean de Boyssone, Charles de Sainte-Marthe, les deux Scève, Sébastien Gryphius, Nicolas Bérauld, Pierre Duchâtel, Jean Voulté et (les derniers et non pas les moindres) Clément Marot et François Rabelais, a dû posséder quelques-unes des qualités peu communes de l’intelligence et du cœur. Le second fait est celui-ci : c’est que malgré la violence du caractère de Dolet, malgré le langage outrageant et injurieux auquel il se laisse aller quand il parle de ses ennemis réels ou imaginaires, il n’a pas écrit un seul mot méchant au sujet d’aucun de ceux avec lesquels il avait eu des rapports d’amitié, mais avec lesquels, quelle qu’en soit la cause, il s’était brouillé. Partout où les noms de Rabelais, de Marot, de Voulté, de Bourbon ou de Sussanneau viennent sous sa plume, il emploie le langage de l’affection et de l’admiration. Il est possible que ce qui les concerne dans les ouvrages de Dolet ait été écrit avant leur refroidissement ; mais s’il en est ainsi, le silence de Dolet doit faire son éloge. C’est par ces anciens amis, non pas par Dolet, que nous apprenons l’existence de leurs dissensions. J’ai déjà dit qu’il est probable — bien que la preuve ne soit que fort légère — que dans chacune de ces circonstances, c’est Dolet qui avait tort. Mais le fait qu’il ne se plaignit pas et ne dit jamais une parole méchante, surtout quand on pense qu’il est plus facile de pardonner à celui qu’on injurie qu’à celui qui