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CHAPITRE XV.

la moitié de la place. L’autre partie, devant l’église, où s’élevait encore en 1680 une grande croix de pierre, est le siége du marché aux grains. Enfin, derrière les hauts parapets de ses fossés, le château avec ses lourdes tourelles donne au tableau un fond sévère et la sombre couleur des cités féodales.

Nous connaissons à peu près maintenant la ville de Dourdan. « Elle peut passer pour jolie, dans l’esprit des gens qui sont sans préventions, écrit un de ses habitants vers 1740 ; les rues en sont grandes, bien pavées et toujours propres à cause de la pente naturelle qui donne l’écoulement aux eaux, et les maisons assez bien bâties et entretenues. L’air, qui n’est ni trop vif ni trop épais, y est bon. »

Ce n’est plus tout à fait la même chose à la fin du xviiie siècle, car le subdélégué de Dourdan écrit à l’intendant en 1777 : « La ville de Dourdan, privée du secours d’octroi, est presque entièrement dépavée, et si le roi n’a la bonté de venir à son secours en accordant à son profit la perception des droits municipaux[1] et de ceux du don gratuit[2] connus sous le nom de droits réservés, pendant quelques années, cette ville deviendra inhabitable. Les citadins et les étrangers risquent de s’y casser le col et le roulage devient impraticable, au détriment du commerce et de la sûreté publique. Vous serez en état d’en juger vous-même, Monsieur, lors de votre passage à Dourdan pour Bandeville, Dieu veuille qu’il ne vous y arrive aucun accident et que votre voiture ne s’y brise point, surtout dans la rue d’Étampes qui est remplie de cavités ! »[3].

Les choses n’ont point changé à la dernière heure de l’ancien régime, car les habitants rassemblés le 27 mars 1787 signent une requête tout empreinte de découragement et de tristesse : la santé publique souffre des exhalaisons de flaques nombreuses et profondes. Dans les années 1783 et 1785, le chiffre des morts a excédé de près de moitié celui des naissances. Le roi est supplié d’accorder l’autorisation d’un octroi momentané sur les vins et eaux-de-vie[4]. Dourdan fait encore un effort, mais c’est le dernier.

  1. On se rappelle qu’ils étaient la conséquence du défaut de corps de ville.
  2. « Ce don, gratuit dans l’origine, cessa de l’être. Dourdan jouit longtemps de l’abonnement que le roi lui avoit accordé, et de la faculté de le faire lever sur les objets de consommation qui lui en paraîtraient susceptibles et qui gêneraient le moins les habitants. Le don gratuit, devenu forcé sous le titre de droits réservés, se perçoit à la rigueur à Dourdan, avec les 2 sols par livre en outre, par les agents de la régie de ces droits, même sur le bois à brûler et foins qui entrent dans la ville, ainsi que sur les vins et autres boissons. Dourdan, accablé, se dépeuple de jour en jour. » — Correspondance de l’Intendance, 1773.
  3. Lettre du subdélégué du 24 octobre 1777.
  4. À raison de 6 livres par poinçon de 30 veltes ¾, « jauge du pays » (velte = 6 pintes), avec affranchissement des 10 sols par livre auxquels cet établissement peut donner lieu. — La consommation annuelle de la ville est évaluée à 1,100 poinçons.