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LA VILLE.

Après avoir parlé des rues et des maisons, il faudrait pouvoir faire connaissance avec les habitants qui y vivent. La population de la ville proprement dite atteint en 1726 le chiffre de 2,025 habitants. Il n’y a pas de grandes fortunes à Dourdan au xviiie siècle. Nous n’avons rencontré dans la ville aucune habitation fastueuse qui révèle la demeure d’un personnage opulent. Quelques familles toutefois appartiennent à la noblesse qui a dans l’élection de nombreux représentants, mais elles ne sont pas très-riches. C’est au Parterre que se voit le plus grand luxe ; une société choisie s’y réunit souvent, et Madame de Verteillac, femme de lettres et femme d’esprit, y attire d’aimables visiteurs. Le château de Grillon est aussi un noble rendez-vous. Le château de Sainte-Mesme, qui n’est pas loin, reçoit quelquefois les hôtes de Bâville et les seigneurs voisins dont les équipages de chasse traversent les rues paisibles de Dourdan. Une bonne bourgeoisie, presque exclusivement occupée des charges judiciaires, forestières ou autres, possède les offices, et beaucoup de ces officiers se plaignent que leurs fonctions ne suffisent pas à leur activité, souvent même aux besoins de leur famille.

Les plus riches, ce sont peut-être quelques manufacturiers ou commerçants qui font fabriquer et vendent à Paris les bas au métier ou les ouvrages au tricot, industrie spéciale de Dourdan. Au xviie siècle il y a eu en ce genre de véritables fortunes. Une grande partie de la population trouve dans cette fabrication un moyen d’existence. Les hommes travaillent au métier à domicile, dans des demeures basses et souvent malsaines, les femmes font du tricot de soie, de laine ou de fil. Mais l’état se perd ; la division du travail, qui a changé les conditions du traitement de la matière première, a tué à Dourdan les laveurs, les fouleurs et les cardeurs de laine. La concurrence des manufactures de Picardie, la réunion à Paris de la fabrication et de la bonneterie diminuent tous les jours la clientèle et le salaire des ouvriers de Dourdan. Ils entrevoient déjà une misère dont tout le monde s’épouvante et qu’une charité intelligente et dévouée est impuissante à prévenir. Les autres commerces ou industries qui, dès le xvie ou le xviie siècle, se sont formés en corps de communauté et possèdent des jurandes, sur lesquelles nous aurons occasion de revenir, ont limité leur extension en se monopolisant, et en dépit de leur titre de maîtres, bon nombre d’artisans ou de marchands sont fort peu aisés.

Les hommes qui ne travaillent pas à la manufacture ou qui n’appartiennent pas aux différentes communautés sont laboureurs, bûcherons ou journaliers, et la forêt est de quelque ressource pour les plus pauvres.

Au sujet du caractère de la société de Dourdan et de la valeur morale de ses anciens habitants, si nous voulions en croire une piquante boutade manuscrite, laissée il y a plus de cent ans, par un officier de Dourdan qui avait eu des démêlés avec la population et lui en gardait une amère rancune, nous pourrions citer un portrait fort sévère des Dourdanais et