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L’HÔTEL-DIEU

gestion matérielle de l’Hôtel-Dieu. Durant quinze années ce zélé et intelligent administrateur, intitulé modestement « directeur de l’ancien domaine de l’Hôtel-Dieu et fondé de procuration de sœur, etc., » fut exclusivement chargé de tous les comptes, de toutes les affaires de la maison, et eut le bonheur d’assister et de travailler à sa transformation. — La sœur bénéficiaire, avec son titre « d’administratrice du revenu temporel », était un rouage au moins inutile. Sa pension diminuait singulièrement les modiques revenus, et, en fait, celle des trois sœurs de Charité desservant la maison, qui avait le titre de supérieure des deux autres, s’occupait seule de la direction quotidienne et rendait chaque mois ses comptes à M. Le Camus.

Une heureuse circonstance fit la fortune de l’Hôtel-Dieu de Dourdan. Marguerite-Louise d’Orléans, fille de Gaston, frère de Louis XIII, et par conséquent cousine germaine du roi Louis XIV et de Philippe d’Orléans, le nouveau seigneur apanagiste de Dourdan, était devenue grande duchesse de Toscane par son mariage avec Côme de Médicis (1661). Femme aux sentiments généreux, aussi jolie que spirituelle, mais fantasque et emportée comme son père, cette princesse menait une vie singulière. Quittant son mari et l’Italie, qu’elle détestait également, elle était revenue en France (1675), et, logée au couvent de Montmartre, n’en fréquentait pas moins la cour avec la grande mademoiselle de Montpensier, sa sœur, bizarre et riche comme elle. La grande duchesse de Toscane venait, chaque année, passer trois ou quatre mois à Sainte-Mesme, chez son amie la comtesse de l’Hôpital. C’était en général d’août en novembre. Vers 1682, les officiers de Dourdan, apprenant son séjour, allèrent au château de Sainte-Mesme lui rendre leurs devoirs et lui faire leur cour. Elle s’informa avec bienveillance auprès d’eux des pauvres de Dourdan, de leurs ressources, et demanda s’il y avait un hôpital. On lui parla de l’Hôtel-Dieu, destiné à loger les pauvres malades et les passants, de ses modiques revenus et de ses bonnes sœurs. Elle promit d’aller les visiter et tint parole. Il y avait alors pour supérieure une digne fille qu’on nommait Catherine Chevreau. La duchesse en fit son amie, et l’Hôtel-Dieu de Dourdan devint le but de toutes ses promenades et le théâtre de toutes ses bonnes œuvres. Avec le caractère enthousiaste et ardent que l’histoire donne à Louise d’Orléans, la chose s’explique sans peine.

La villégiature à Sainte Mesme, pendant l’automne de 1683, fut tout entière employée à relever, soutenir, enrichir l’hospice, et il ne fut plus question que de cela dans l’entourage de la duchesse et dans tous les cercles des environs. C’est la duchesse qui décida M. Le Camus à devenir le comptable de la maison, et c’est aux détails des comptes annuels de M. Le Camus, lus et dépouillés attentivement, que nous empruntons ces curieux renseignements sur une princesse dont la vie est peu connue.

Le 1er octobre, la grande société paraît s’être donné rendez-vous dans