Page:Chronique d une ancienne ville royale Dourdan.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
LES PRISONS.

plusieurs citoyens de la ville avaient dû se retirer l’un après l’autre, tout sanglants et les jambes blessées. De deux heures du matin jusqu’à neuf heures, la lutte dura. Tout à coup, l’on vit paraître sur la plate-forme de la tour, dont ils avaient trouvé l’escalier en perçant le mur, plusieurs prisonniers qui brandissaient et montraient une barre de fer qui leur avait servi à tout briser. Attaquant alors les puissantes assises du couronnement, ils firent tomber sur la foule d’énormes blocs et en lancèrent jusque sur les maisons de la rue de Chartres. Les habitants furieux montèrent dans le clocher de l’église et tirèrent de là des coups de fusil sur les rebelles qu’on parvint à dompter ainsi, à saisir, à faire sortir dans le préau où la population les garda jusqu’à la réparation des cachots.

Huit jours après, une idée vint à Renard : mettre le feu aux portes. Une lame de couteau cachée dans un livre de prières, un caillou, de la paille, et le feu prit ; mais la fumée donna l’éveil. Les habitants revinrent en masse ; tout fut étouffé. Une semaine plus tard, le 10 août, second incendie, seconde alerte. Renard, derrière ses murailles, savait encore troubler la ville.

Toute l’année 1764, l’hiver, le printemps 1765 se passèrent ainsi. Un conflit s’était élevé entre les juridictions de Dourdan, de Bâville, d’Orléans, à cause des territoires sur lesquels les crimes avaient été commis. Le roi, par lettres patentes du 13 oct. 1764, avait évoqué à son conseil les procédures commencées et les avait toutes renvoyées au bailliage de Dourdan, seul chargé de l’instruction et du jugement sauf appel. L’heure de la justice arriva. Le jour s’était fait en partie sur la mystérieuse vie des accusés, et une série de crimes avérés se déroulait devant le public : assassinat de cinq personnes dans la nuit du 26 au 27 septembre 1763, au hameau de la Villeneuve, paroisse de Sermaise sous Dourdan ; — assassinat de Pierre Meunier dit Pilon, à Corbreuse ; — meurtre à coups de coutre de charrue de plusieurs personnes au Plessis-Saint-Benoît, près d’Authon, — à Jouy, — à Cély, — près de la Ferté-Aleps, avec des détails dont nous dispenserons nos lecteurs ; — dix vols à coups de pistolets et de bâtons sur les grands chemins, — dix vols par effraction, — trente-deux vols de grains et de bestiaux dans des fermes, — tout autour de Dourdan, à Liphard, à Marchais, Corbreuse, Groslieu, Saint-Martin de Brétencourt, Houdebout, Ablis, Boinville, etc., — presque en même temps, dans des régions toutes différentes, aux environs de Rambouillet, de Houdan, de Pithiviers, de Jouy, de Gonnesse, de Meaux, etc.

Les trente-six accusés des prisons de Dourdan étaient tous plus ou moins coupables et ils n’étaient pas les seuls. Vingt-deux contumaces avaient échappé aux poursuites et leurs signalements étaient dans toutes les bouches, car parmi ces fugitifs il y avait encore d’illustres bandits comme la Blette, le Blond-Comtois, Sans-Regret, le Petit-Lorrain, le Gros-Auvergnat, le hideux Prince-de-Beauce, etc.