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CHAPITRE XXII.

scrupuleusement conduite par M. Roger, le nouveau lieutenant général de Dourdan, assisté de M. Bajou, lieutenant particulier et assesseur criminel, et de M. Odile de Pommereuil, avocat et procureur du roi au bailliage. Chaque jour, à plusieurs reprises, dans la salle basse de l’auditoire, quelqu’un des prisonniers était amené chargé de fers devant ses juges. Audition de témoins, confrontations, interrogatoires, tout se passait avec la solennité impitoyable de l’ancienne justice. La question arrachait aux accusés des cris ou des blasphèmes, quelquefois des révélations ; les réponses sur la sellette, au premier, au second, au troisième coin ou sur le terrible matelas, étaient enregistrées par le greffier, et quand le prévenu, épuisé par des heures de torture chaque jour répétée, était réintégré dans sa prison, l’interrogatoire « derrière le barreau » ne lui permettait pas d’échapper au juge. L’ennui gagna Renard, la vermine le rongeait ; on le trouva nu et libre dans son cachot il avait brisé ses fers, il dit que ses chaînes le gênaient. On riva plus solidement ; il se fit un jeu de rompre son attache : un petit caillou, un éclat de brique lui suffisaient pour commencer une entaille, et sa force herculéenne faisait le reste. Cela se sut dans Dourdan et les habitants eurent peur. Le donjon était redouté comme la cage d’un dompteur de monstres. Des sentinelles veillaient et la garde bourgeoise faisait ronde la nuit sous les ordres du sieur Flabbée.

Le 6 juillet 1764, vers minuit, la patrouille cria à l’alerte. En passant devant la porte du château, elle avait vu courir dans l’ombre cinq prisonniers qui s’enfuyaient et gagnaient les rues tortueuses du bas de la ville. La grande porte du château était entr’ouverte ; le geôlier dormait. En un instant, les voisins furent debout. Les cinq accusés avaient forcé cadenas et barrières ; l’un d’eux, qui était parvenu à se cacher dans un tas de paille du préau à l’heure de la promenade, avait du dehors aidé les autres.

Le 21 du même mois, dans la nuit, le tocsin sonnait à la fois aux deux paroisses de la ville, et quand M. le lieutenant Roger parut sur la place, il trouva les habitants en armes qui cernaient le château et faisaient serment de ne laisser sortir personne. Il y avait révolte générale des prisonniers de la tour ; il ne restait plus qu’une seule porte à forcer. La foule envahit la cour et s’arrêta pleine de stupeur. Les trois étages du donjon ne faisaient plus qu’un ; toutes les chaînes, toutes les fermetures avaient été rompues, et les rebelles réunis montaient et descendaient du haut en bas. M. Roger fit enfoncer la porte que les assiégés avaient barricadée avec les portes dégondées des cachots, et il y eut dans l’escalier un vrai combat. Des pierres, arrachées aux murs et roulées d’un étage à l’autre, descendaient avec fracas sur les marches étroites et brisaient les pieds des intrépides gendarmes. Le maçon Pierre Daubroche, l’exempt et quatre cavaliers de Dourdan, le brigadier de Chartres, Paul-Henry Flabbée, commandant de la garde bourgeoise,