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CHAPITRE XXIV.

neurs et mégissiers qui avaient leurs établissements sur la rivière et dans la ville basse. Une tradition anciennement constatée rapporte qu’il en existait autrefois un grand nombre à Dourdan. À la fin du règne de Louis XIII, on comptait encore sous la halle « huit étaux de tannerie » qui payaient des droits au domaine[1]. Lorsque l’administration tracassière du xviiie siècle envoya au subdélégué de Dourdan ses règlements sur les tanneurs (1752), il fut prouvé qu’il n’en existait plus un seul dans la ville, et qu’on n’en avait pas vu de mémoire d’homme, bien que le souvenir de cette industrie fût très-vivant dans la localité. On ajoutait qu’à Saint-Arnoult, le métier s’était conservé plus longtemps ; qu’en 1720, il y vivait huit tanneurs, et qu’il en restait encore un qui avait eu la malheureuse idée de prendre à ferme, pour peu de chose à la vérité, un droit perceptible sur les tanneries de Dourdan et de Saint-Arnoult, appartenant à la fabrique de Saint-Sauveur, de Paris. Comme il était le seul du métier, il payait et ne touchait rien[2]. Ce qui tuait cette industrie dans la contrée, c’était le terrible impôt sur les cuirs. Aussi le cahier des doléances du tiers état de Dourdan n’oublie-t-il pas d’en demander la suppression en 1789. — Les mégissiers avaient persisté plus longtemps ; on en comptait deux à Dourdan en 1745, et quatre en 1768, qui payaient, comme artisans, un sol par livre de taille du produit de leur travail sur les peaux, et, comme commerçants, deux sols par livre du produit de leur vente de laine.

Les ouvrages en laine ont été, pendant des siècles, le métier du pays ; aussi les fouleurs, teinturiers, apprêteurs, étaient-ils autrefois en grand nombre à Dourdan. Les rues « Haute et Basse-Foulerie » ont perpétué ce souvenir. On comptait encore en 1745 huit fouleurs et six teinturiers, et on se plaignait de la décadence. C’est que, depuis longtemps, les ouvrages en laine avaient fait place à une industrie plus relevée, celle des ouvrages en soie. Vers 1560, raconte de Lescornay, dont nous citerons textuellement ici le naïf récit « un officier de L’Escurie, que Monsieur de Guyse, seigneur usufruictier auoit estably au chasteau, voyant un jeune garçon trauailler habilement à faire des bonnets de laine et jugeant son esprit assez éueillé pour comprendre chose nouuelle, il luy fit naistre l’enuie de faire un bas (duquel les points n’estoient autres que ceux du bonnet), et pour luy ouurir le chemin luy en donna un vieil de soy sur lequel il pourroit s’instruire et prendre patron. Ceste entreprise réussit si heureusement que ce nouuel apprenty rendit un bas d’estame fait en perfection, et fut capable d’en enseigner la méthode à ses compagnons bonnetiers (desquels y auoit grand nombre en ceste ville, pource que lors on n’usoit point encores de chapeaux, ains seulement de bonnets). A leur exemple tous ceux de la ville s’y appliquèrent, et enfin furent imi-

  1. Compte de Jacques de la Loy, 1646. — Arch. de l’Emp. Q. 1514.
  2. Rapports à l’intendance.