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INDUSTRIE ET COMMERCE.

tez par les villages circonuoisins, voire par tous ceux de la Beaulce, jusques à huict ou neuf lieuës loing. Quelques années après, les ouuriers de la ville, plus subtils que les autres, s’adonnèrent aux bas de soye (en la façon desquels ils ne cèdent en rien à Milan) et laissèrent la laine aux Beaulcerons, les ouurages desquels toutesfois les marchands de Dourdan vont achepter sur les lieux pour (après les auoir apprestez) les vendre à ceux de Paris[1]. » On comptait alors sous la halle sept « étaux de bonneterie » qui servaient à la vente des bonnets, bas, mitons en tricot de laine.

La fabrication des bas de soie et de laine à l’aiguille subit, vers le milieu du xviie siècle, une révolution complète par l’introduction des métiers en France. Les ouvriers de Dourdan furent des premiers à s’en procurer, et Dourdan devint une véritable ville de manufacture. Le tricot à la main, beaucoup plus long à faire, fut dès lors laissé aux femmes et aux vieillards. Louis XIV ayant, par lettres patentes de février 1672, érigé en « maîtrise » la manufacture des bas de soie et autres ouvrages au métier, les fabricants de Dourdan se conformèrent aux statuts attachés sous le contre-scel desdites lettres et se réduisirent en corps de communauté[2]. L’arrêt du conseil du 30 mars 1700, où la ville de Dourdan est nommée « immédiatement après celle de Paris, » donna une nouvelle force à la manufacture de Dourdan, à laquelle la bonté renommée de ses produits assurait une vogue toujours croissante. Les « maîtres, » au nombre de trente, faisaient vivre tout le pays, suivant les rapports du temps, et cette communauté, dans ses jours de splendeur, tenait le premier rang parmi les corporations de Dourdan. Elle avait sa fête solennelle à la Saint-Louis et elle faisait faire à ses frais des services « lors des principaux événements qui intéressent le Roy et la famille royale. » Jamais elle ne se trouvait en déficit lors de la reddition de ses comptes devant le lieutenant général de police, et elle payait fidèlement tous les droits de confirmation, réunion d’offices, etc., inventés par le fisc. Les charges d’inspecteurs, contrôleurs, etc., y étaient exercées gratuitement par les gardes-jurés de la communauté. Les fils de maîtres n’avaient rien à payer pour leur réception, si ce n’est une cinquantaine de livres pour un repas offert aux gardes-jurés et 11 livres environ de droits accessoires. Quant aux étrangers, il leur fallait, pour être admis, acheter des lettres de maîtrise qui n’étaient plus taxées vers la fin qu’à 250 livres. Les brevets d’apprentissage valaient environ 125 livres.

Malheureusement, cette prospérité ne devait être que passagère, et moins d’un demi-siècle plus tard, la concurrence des puissantes manufactures de Picardie, les troubles apportés par la guerre avaient singu-

  1. De Lescornay, page 10.
  2. États fournis à l’intendance. — Archives du Loiret. C 72.
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