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CHAPITRE V.

prince de Galles, généreux vainqueur, se plut à rendre à son noble captif, et on le vit prendre place, le soir de la bataille, à la table de ce prince avec le monarque vaincu[1].

La guerre, et la plus cruelle de toutes, puisque c’était la guerre civile, amena jusque dans Dourdan la désolation et la ruine ; un siége suivi de la peste signala l’année 1380. D’affreux désordres éclataient de toutes parts durant la minorité de Charles VI, et les Parisiens soulevés, les princes du sang divisés faisaient de la France un champ de bataille où la royauté faillit périr.

Aux heures où la guerre lui laissa quelque trêve, Louis revint dans sa ville natale et ne négligea rien pour lui faire du bien et alléger ses malheurs. Son grand-père, prenant en pitié les habitants de Dourdan, ruinés par les animaux de la forêt, leur avait accordé jadis, comme un bienfait, droit de chasse, moyennant une rente de quatre-vingts livres parisis ; mais, hélas ! le bienfait, devenu onéreux, pesait comme une lourde redevance sur une population sans ressource, et Louis, ému de compassion et effrayé tout à la fois de l’appauvrissement et de la dépopulation de sa seigneurie, prit dans son châtel de Dourdan, le 21 avril 1381, une généreuse et prudente mesure. Considérant « que pour les guerres et mortalitez qui depuis ont esté ou pays, les gens d’Église, clercs, nobles, bourgeois et habitans, sont tellement diminuez en nombre, et les héritages sur lesquels ladite rente estait assise demourez en telle ruyne et désert que ladite rente ne revient pas à plus de quarante livres parisis ou environ, sur lesquels héritages a été aussi perdue grande partie des cens anciennement deubs, par la ruyne d’iceux héritages qui delaissiez et demourez sont en frische, dont encores, pour la pauvreté du commun peuple dudit pays, il est grand doute qu’ils ne deviennent de petite ou nulle valuë, et que les autres cens, rentes et droits sur aucuns héritages qui à présent sont fertiles, ne diminuent et viegnent à néant par les grandes pertes, pauvretez et misères qu’ont souffert iceux habitans pour ledit faict ctes guerres et autrement, lesquels ils ne peuvent bonnement supporter, » Louis, tout en confirmant le droit de chasse, met en vente le droit de ladite rente de quatre-vingts livres, et moyennant une somme de cinq cents livres tournois une fois donnée, y renonce pour toujours, le fait mettre « par les gens de ses comptes hors de ses comptes et registres, et ôter de son domaine, et en tient quittes et déchargez ses receveurs et prévostde Dourdan[2]. »

Les chanoines de Saint-Germain n’avaient pas échappé à la détresse générale, et le revenu du prieuré ne fournissait plus qu’à grand’peine à leur entretien : car il avait « soustenu grandes pertes et dommages, pour le faict des guerres, mortalitez et autres pestilences. » Leurs supérieurs

  1. D. Basile Fleureau, Antiquitez d’Étampes, 156. — De Mont-Rond, tom. II, p. 4.
  2. De Lescornay, p. 96.