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DE GUILLAUME DE NANGIS

vent. Un ramas de paysans et d’hommes du commun en grand nombre se rassembla en un seul bataillon ; ils disaient qu’ils voulaient aller outre-mer combattre les ennemis de la foi, assurant que par eux serait conquise la Terre-Sainte. Ils avaient dans leur troupe des chefs trompeurs, à savoir un prêtre qui, à cause de ses méfaits, avait été dépouillé de son église, et un autre moine, apostat de l’ordre de Saint-Benoît. Tous deux avaient tellement ensorcelé ces gens simples, qu’abandonnant dans les champs les porcs et les troupeaux, malgré leurs parens, ils couraient en foule après eux, même des enfans de seize ans, sans argent et munis seulement d’une besace et d’un bâton ; enfin ils se pressaient autour d’eux comme des troupeaux en une telle affluence qu’ils formèrent bientôt une très-grande armée d’hommes. Ils employaient leur volonté et leur pouvoir plutôt que la raison et l’équité ; c’est pourquoi, si quelqu’un investi du pouvoir judiciaire voulait punir quelqu’un ou quelques uns d’entre eux comme ils le méritaient, ils lui résistaient à main armée, ou s’ils étaient retenus dans des prisons, ils brisaient les cachots et en arrachaient les leurs malgré les seigneurs. Etant entrés dans le Châtelet de Paris pour délivrer quelques-uns des leurs qui y étaient renfermés, ils precipitèrent lourdement et écrasèrent sur les marches de cette prison le prévôt de Paris, qui voulait leur faire résistance, et brisant les cachots où il retenait les leurs, les en arrachèrent bon gré mal gré. S’étant mis en défense et préparés à combattre sur le pré Saint-Germain, appelé préaux Clercs, personne n’osa s’avancer contre eux, et même on les laissa librement sortir de Paris. Ensuite