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CHRONIQUE

ils se dirigèrent vers l’Aquitaine, enhardis par l’espérance que puisqu’on les avait laissés sortir de Paris librement et sans opposition, ils n’éprouveraient plus désormais aucune résistance ; ils attaquaient de tous côtés et dépouillaient de leurs biens tous les Juifs qu’ils pouvaient trouver. Ils assiégèrent une forte et haute tour du roi de France, dans laquelle les Juifs saisis de crainte étaient venus de toutes parts se réfugier. Les assiégés se défendirent avec un courage barbare, lançant sur eux une foule de morceaux de bois et de pierres, et, à défaut d’autres choses, leurs propres enfans ; néanmoins le siège ne cessa pas, car les Pastoureaux mirent le feu à l’une des portes de la tour et incommodèrent beaucoup par la fumée et les flammes les Juifs assiégés. Ceux-ci, voyant qu’ils ne pouvaient s’échapper, et aimant mieux se donner eux-mêmes la mort que d’être tués par des hommes non circoncis, chargèrent un des leurs, qui paraissait le plus fort d’entre eux, de les égorger avec son épée ; il y consentit, et en tua sur-le-champ près de cinq cents. Descendant de la tour avec un petit nombre d’hommes encore vivans et les enfans des Juifs, qu’il avait épargnés, il obtint une entrevue avec les Pastoureaux, et leur déclara ce qu’il venait de faire, demandant à être baptisé avec les enfans. Les Pastoureaux lui dirent : « Coupable d’un si grand crime sur ta propre nation, tu veux ainsi éviter la mort ! » Aussitôt ils lui dépecèrent les membres et le tuèrent, mais ils épargnèrent les enfans, qu’ils firent baptiser catholiques et fidèles. De là ils marchèrent vers Carcassonne, se portant aux mêmes excès et commettant beaucoup de crimes dans le chemin. Le sénéchal de ce pays, de la