Page:Chronique de Guillaume de Nangis.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
63
DE GUILLAUME DE NANGIS

les vexations, et donna un sauf-conduit à ceux qui aimèrent mieux se retirer. Ce qui fait honneur à la générosité de Saladin, c’est qu’il ne souffrit pas qu’on opprimât ceux qui voulaient se soumettre à lui et vivre ses tributaires. Il était rigide observateur de sa parole et gardien intègre de son serment, et si généreux qu’à peine personne essuyait-il jamais de lui un refus. Tout le pays, privé de ses plus vaillans défenseurs, était dans l’épouvante.

Sur ces entrefaites, arriva le marquis Conrad, fils du marquis de Montferrat, qui se rendait de Constantinople à Jérusalem. Etant marié à une sœur de l’empereur Cursat, il avait combattu avec un noble Grec, qui voulait déposer Cursat et s’introduire dans Constantinople, et l’avait tué. De là, s’éloignant, il apprit que les Turcs étaient en possession de la ville d’Accon, et s’approcha de Tyr dans la résolution de la défendre. Son arrivée fut avantageuse aux Chrétiens présens et futurs, et lui tourna à gloire et honneur. Alors le comte de Tripoli, qui s’était réfugié à Tyr après le combat de Tibériade, témoin de la puissance du Marquis, suspect à tous, et soupçonnant tout le monde, s’enfuit à Tripoli. Saladin lui manda aussitôt qu’il fit jurer aux siens les conventions dont il lui avait prêté serment. Le comte ayant assemblé les citoyens, leur ordonna de prêter serment, disant qu’il fallait céder au temps, et qu’ils ne pourraient résister à Saladin. Les citoyens répondirent qu’ils refusaient absolument de jurer, à moins d’apprendre auparavant la teneur du serment ; et ayant demandé un délai à ce sujet pour jusqu’au lendemain matin, il leur fut accordé. La nuit même, le comte fut frappé de la vengeance