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HISTOIRE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME

CHAPITRE PREMIER.

Considérations préliminaires. – Situation respective du Christianisme et du polythéisme. – Néo-Platonisme. – Gnosticisme. — Manichéisme. – Arianisme. – Hérésie et schismes. – Empiétements des empereurs. – Pères de l’Église. – Chrysostome. — Aperçu général. – Docteur de la charité. – Dignité humaine. – Liberté de l’Église. – l.e sacerdoce et l’empire. – Tendance de l’Orient. – L’Église romaine. – Caractère de Jean. – Portrait.

Chrysostome appartient à cette grande pléiade d’hommes supérieurs, dont les travaux, les vertus, le génie ont exercé tant d’influence sur les destinées du Christianisme, et rempli d’un le quatrième siècle de son histoire. Sa noble et sainte figure se détache et resplendit entre les imposantes figures d’Athanase, d’Hilaire, de Basile, d’Ambroise, de Grégoire, d’Augustin. C’est une des plus belles gloires d’une époque qui en compte tant, où Dieu se plut à condenser, comme dans un foyer éblouissant, tant de lumière et de sainteté. Tan dis que le vieux monde, s’affaissant dans son impuissance, n’offre plus que le dégoûtant éclat incomparable spectacle de toutes les misères unies à toutes les lâchetés, les grands talents, les grandes âmes affluent dans l’Église, et, comme des astres d’une beauté sans rivale, se lèvent en masse dans son ciel pour attester son immortelle énergie et sa divine fécondité. Jamais peut-être l’histoire ne mit en regard, dans un si vif contraste, tant de grandeur et tant de bassesse, tant de ruines accumulées et tant de créations admirables. Jamais peut-être l’infaillible Providence, qui con duit par la main, à travers les tempêtes et les combats, l’Église de Jésus-Christ, ne fit éclore à ses pieds tant de richesses, ni rayonner sur son front tant de splendeur. Il faut le dire aussi : jamais peut-être son œuvre privilégiée, l’œuvre chrétienne, ne réclama de plus grands ouvriers.

L’Évangile venait de clore, de ses mains triomphales, l’ère sanglante et glorieuse des martyrs. Chose mille fois signalée et digne de l’être toujours ! Proscrite aussitôt que connue, la religion du Christ semble d’abord ne se révéler au monde que par l’unanime horreur qu’elle inspire. La haine l’accueille ; la calomnie s’attache à ses pas ; le genre humain s’inscrit en faux contre elle, et l’accable tour à tour de ses colères et de ses mépris. Ses pâles adeptes, contraints de cacher la clarté du jour, comme des conspirateurs, leurs pieuses réunions et leurs symboles sacrés, sont comme autant de victimes marquées d’un sceau fatal qui les dévoue au glaive des bourreaux, aux bêtes de l’amphi théâtre, aux fureurs de la multitude ; et quand trois siècles d’une oppression sans exemple dans l’histoire ont pesé sur son berceau, trois siècles dont elle n’a compté les heures que par les angoisses et les supplices des siens ; quand le déchaînement croissant des passions, des intérêts acharnés à sa perte ne lui présagent que l’impossibilité absolue d’atteindre son but, un avortement funeste et prochain, la voilà qui passe tout à coup du chevalet des martyrs au trône des Césars, et, d’une main meurtrie encore du poids des chaînes, saisit, pour ne plus les laisser tomber, les rênes de la destinée humaine ! Son sang n’est pas étanché, ses blessures ne sont pas bandées, que ce monde qui lui crachait au visage, qui la traînait dans