Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 1, 1865.djvu/33

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le travail de l’intelligence et de la parole avaient creusé ses joues, raréfié sa chair. On eût dit une apparition céleste plutôt qu’un homme. On ne l’approchait pas sans un sentiment de respect, presque de crainte ; et il est vrai que son premier abord avait quelque chose de froid. Ses ennemis l’accusaient de fierté[1] ; mais en le voyant de plus près, on ne trouvait en lui que le plus bienveillant et le plus indulgent des hommes : on l’aimait. C’était une de ces natures douées d’attraction, qui font graviter vers elle, sans le vouloir, les regards, les pensées, les cœurs. Aussi inspira-t-il des amitiés profondes, qui survécurent à toutes les vicissitudes de sa fortune[2], des dévouements qui s’élevèrent jusqu’au martyre. Lui-même, il cultivait avec une sainte tendresse l’affection de ses amis. Ce culte faisait partie de sa piété ; car tous ses sentiments rayonnaient d’un même foyer et s’y concentraient : la charité ! Quelque grande que fût son intelligence, c’était moins un génie qu’une âme. Il aimait, il bénissait, il s’immolait : c’était l’Évangile vivant sous les traits d’un homme. Ainsi que le saint Apôtre, son homonyme, dit un ancien qui avait eu le bonheur de le voir de près[3], il tenait sa tête appuyée sur le sein de Jésus, et, dans ce sublime contact, quelque chose de l’âme de Jésus était passé dans son âme.

Tel fut, autant du moins qu’on peut le faire connaître par une esquisse rapide et si imparfaite, l’homme éminent, le grand docteur, le grand pontife dont nous essayons de raconter les travaux et la vie. Puisse-t-il, du haut du ciel, sourire à nos pauvres efforts, et obtenir pour ces pages consacrées à sa mémoire un peu de cette grâce persuasive et sainte qui coulait de ses lèvres et qui semble encore attachée à son nom !

  1. Socr., 1. 6, c. 18.
  2. Chrys., Du Sacerd., 1. 1 ; Pall., passim ; Spisl. Chrys. pauim ; Tillem., t. 11, art. 2, p. 5.
  3. Cassien, de Incarn. Verbi, 1. 7, c. 31.