rappeler vos bienfaits. – Maintenant, après l’humilité de Paul, voyez la dignité de l’apôtre : tant que les Philippiens ne lui envoient rien, il ne leur adresse aucun blâme, de peur de paraître plaider sa propre cause ; dès qu’ils ont envoyé, il les blâme aussitôt pour le passé, et eux-mêmes acceptent chrétiennement ce blâme, parce qu’en effet, saint Paul, en parlant avec cette liberté, ne pouvait être soupçonné d’agir pour son intérêt personnel.
« Or vous savez, mes frères de Philippes, qu’après avoir commencé à vous prêcher l’Évangile, ayant depuis quitté la Macédoine, nulle autre Église n’a communiqué avec moi par l’échange de dons reçus et rendus, vous seuls exceptés ». Dieu ! quel magnifique éloge ! La charité des Corinthiens et des Romains avait été provoquée par l’exemple des autres et la parole de saint Paul, mais les Philippiens entrèrent d’eux-mêmes dans cette voie, avant qu’aucune autre Église leur eût montré l’exemple, « et, au début même de l’Évangile », dit l’apôtre, ils montrèrent pour le saint prédicateur un tel amour, un dévouement si spontané, qu’ils furent les premiers à porter de tels fruits de charité. Et l’on ne peut pas dire qu’ils agissaient ainsi parce que Paul les honorait de son séjour, et que c’était une manière de prouver leur reconnaissance pour des bienfaits reçus ; car saint Paul l’a dit : « Quand je suis parti de la Macédoine, nulle autre Église n’a communiqué « avec moi par l’échange de biens rendus et a reçus, vous seuls exceptés ». – Que signifie cette parole : « Biens reçus et rendus », et cette autre : « N’a communiqué ? » Pourquoi ne dit-il pas simplement : Aucune Église ne m’a rien donné, mais plutôt : « Aucune n’a communiqué avec moi, par l’échange de biens reçus et rendus ? » C’est qu’ici il y avait, en effet, échange et communauté. « Si nous avons semé parmi vous des biens spirituels », écrivait-il ailleurs, « est-ce une grande chose a que nous recueillions un peu de vos biens temporels ? » (1Cor. 9,11) Et dans un autre passage : « Que votre abondance supplée à leur indigence ». (2Cor. 8,14) Vous voyez l’échange : ils donnent d’une part, de l’autre ils reçoivent ; biens temporels pour biens spirituels. Ainsi que font échange les vendeurs et les acheteurs, recevant l’un de l’autre et se donnant l’un à l’autre, car c’est là l’échange même, ainsi arrive-t-il au cas présent. Rien, en effet, rien n’est plus lucratif que ce commerce et ce saint négoce ; il commence sur la terre, il s’achève et se parfait au ciel. L’acheteur habite cette basse région ; mais contre une valeur terrestre, il achète par contrat les biens célestes.
3. Ici toutefois que nul ne perde espoir ; les biens éternels ne nous sont point offerts à prix d’argent ; non, telle n’est point la monnaie du ciel ; le ciel s’achète par notre libre volonté, par le courage viril qui nous fait jeter l’argent même, par la sagesse, par le mépris des choses de la terre, par l’humanité, par l’aumône. Si l’argent payait de tels biens, la veuve qui laissait tomber deux oboles dans le tronc n’aurait pas reçu beaucoup ; mais comme le bon vouloir est la grande puissance et qu’elle apportait tout le désir de son cœur, elle a tout reçu. Ne disons donc jamais que l’or achète le céleste royaume ; ce n’est pas l’or, non, mais l’intention, mais la bonne volonté qui se traduit par ce sacrifice d’argent. Mais, direz-vous, encore faut-il être riche ? Non, non, la richesse n’est point nécessaire, la bonne volonté suffit. Ayez-la, et avec deux oboles vous pourrez acheter un trône ; sinon, deux mille talents d’or n’auraient pas la vertu de deux oboles. Pourquoi ? C’est qu’ayant beaucoup, vous donnez bien peu ; l’aumône que vous faites n’atteint pas celle de la pauvre veuve. Moins que la veuve vous avez apporté l’empressement et le bon cœur qui donne. Cette femme s’est dépouillée de tout ; que dis-je ? non, elle ne s’est pas dépouillée de tout, elle s’est tout donné. Dieu a mis le ciel à prix, non pour vos talents d’or, mais pour une somme de bon vouloir ; non pas même pour votre vie, mais pour une généreuse intention. Donner une vie, en effet, qu’est-ce après tout ? Ce n’est qu’un homme ; et un homme, c’est encore un prix bien inférieur.
« Vous m’avez envoyé deux fois à Thessalonique de quoi satisfaire aux besoins ». Nouvel et grand éloge des Philippiens dont la pauvre cité le nourrissait même pendant son séjour dans la capitale de la province. Remarquez cependant ses paroles. Comme en témoignant toujours qu’il était hors de besoin, il craignait (je l’ai dit déjà) de les rendre moins zélés, après leur avoir montré de tant de manières que personnellement il ne manquait de rien, il a soin de leur rendre ce fait, plus évident
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