Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/123

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seules ressources de votre esprit. Si vous êtes obligé de discuter avec un gentil, donnez donc à la discussion son véritable point de départ, recherchez si le Christ est Dieu et Fils de Dieu, et si ces prétendus dieux du paganisme ne seraient pas des démons. Cela une fois prouvé, tout le reste s’en déduit. Mais tant que vous n’avez pas posé le principe, il est inutile de discuter sur les conséquences. Avant d’avoir appris les axiomes, il est superflu et inutile d’arriver aux derniers corollaires. Ce gentil ne croit pas au jugement. Eh bien ! il est dans le même cas que vous. Les Grecs peuvent citer aussi beaucoup de philosophes qui ont traité cette matière. Ces philosophes séparent l’âme du corps ; mais enfin ils reconnaissent un dernier jugement. Et ce point-là est si clairement établi parmi eux, que personne n’en ignore, que les poètes et tous les écrivains s’accordent sur le tribunal et sur le jugement. Aussi, en général, les gentils en croient là-dessus leurs écrivains ; ni les juifs, ni qui que ce soit, ne doutent de cette vérité.
Pourquoi donc nous trompons-nous les uns les autres ? Vos mauvaises raisons, c’est à moi que vous les dites. Mais que direz-vous à Dieu qui a façonné les cœurs, qui connaît tous les replis de notre pensée, qui vit et qui agit en nous, dont la parole est plus perçante qu’un glaive à deux tranchants ? (Héb. 4,12) Car, à parler franchement ; quand vous commettez une faute, ne vous condamnez-vous pas vous-même ? Est-il au monde un homme qui ne se blâme lui-même, quand il agit avec tiédeur ? Est-ce une sagesse aveugle que cette sagesse qui fait que nous nous condamnons nous-mêmes, lorsque nous commettons une faute ? Car c’est là, oui c’est là une grande sagesse. En définitive donc, règle générale et universelle : quand on mène une vie vertueuse, qu’on soit gentil, qu’on soit même hérétique, on croit au jugement dernier ; quand on se traîne dans le vice, on n’admet presque jamais le dogme de sa résurrection. Et c’est ce que dit le Psalmiste : « Vos jugements se dérobent à ses yeux ». (Ps. 9,27) Pourquoi ? Parce que de tout temps les voies du Seigneur ont été méconnues. « Mangeons et buvons », disent les incrédules ; « car nous mourrons demain ». Voyez quelle bassesse et quelle abjection ! C’est au fond des verres que l’on va puiser cette parole dont on s’arme pour renverser le dogme de la résurrection. Ah ! c’est que l’homme ne veut pas absolument supporter le jugement de sa propre conscience. C’est ainsi que l’homicide se persuade qu’il échappera à la sentence, pour commettre un meurtre de sang froid. S’il avait comparu devant sa conscience, il y aurait regardé à deux fois, avant de devenir un assassin. Il sait bien ce qu’il fait, mais il simule l’ignorance, pour se soustraire aux terreurs et aux tourments de sa conscience ; autrement il se serait trouvé faible devant le meurtre. Ainsi les pécheurs savent bien que le péché est un mal, et ceux qui chaque jour roulent dans ce même cercle de maux, ne veulent pas le savoir, quoique leur conscience les reprenne. Mais n’écoutons pas ces hommes. Il y aura, oui il y aura un jugement et une résurrection, et Dieu ne souffrira pas que tant d’actions aient été faites en vain. C’est pourquoi, je vous en prie, fuyons le vice et cherchons la vertu, pour embrasser la véritable doctrine, en Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Et pourtant, quel est celui de ces deux dogmes le plus facile à admettre, le dogme de la résurrection, ou celui du fatalisme ? Ce dernier dogme est plein d’injustice, plein de déraison, plein de cruauté, plein d’inhumanité ; l’autre est plein d’équité et de justice distributive, et pourtant ce n’est pas celui qu’on admet. La faute en est à notre paresse ; car il suffit de réfléchir, pour rejeter le fatalisme. Ces philosophes grecs qui font du plaisir le but de la vie, l’ont accepté ; mais tous ceux qui se sont attachés à la vertu, l’ont banni comme une doctrine insensée. Si telle a été le sort de cette doctrine chez les gentils, elle doit à plus forte raison disparaître devant le dogme de la résurrection. Voyez l’habileté du démon à se servir de deux moyens contraires. Oui ! pour nous faire négliger la vertu, pour introduire chez nous le culte de Satan, il y a introduit le fatalisme, et par deux voies différentes il est parvenu à son double but. Quelle raison pourra-t-il alléguer, l’homme qui n’ajoute pas foi à ce dogme admirable de la résurrection, et qui croit à toutes les absurdités des fatalistes ? Ne vous nourrissez donc pas, incrédules, de cette consolation que votre pardon vous sera accordé. Tournons-nous avec ardeur vers la vertu, et vivons réellement pour Dieu, en Jésus-Christ.