Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/143

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dit-il, « tous nos péchés ». Lesquels ? Ceux qui causaient notre mort. Mais les a-t-il laissés subsister ? Non, il les a anéantis. Il ne s’est pas borné à les effacer, il en a détruit jusqu’à la trace. « Par ses décrets ». Par quels décrets ? Par la foi. Il suffit donc de croire. Il n’a pas mis les œuvres à côté des œuvres, mais la foi à côté des œuvres. Après avoir parlé de la rémission, l’apôtre parle de l’abolition des péchés. « Et il a détruit la cédule », dit-il, il l’a déchirée violemment, « en l’attachant à sa croix ; dépouillant les « princes et les principautés, il les a menés hautement en triomphe, à la face du monde ». Jamais l’apôtre ne s’est élevé à cette hauteur.
3. Vous voyez avec quel soin il a détruit cette cédule. Nous étions tous soumis au péché et au châtiment ; il nous a délivrés de l’un et de l’autre, en se soumettant lui-même au supplice de la croix. C’est à cette croix qu’il a attaché la fatale cédule, et il a usé de son pouvoir pour la déchirer. Qu’est-ce que c’était que cette cédule ? Elle attestait peut-être ces promesses faites par les Juifs à Moïse : « Tout ce que Dieu a dit, nous le ferons et nous l’écouterons ». Peut-être témoignait-elle de l’obéissance que nous devons à Dieu. Peut-être encore était-ce un écrit qui se trouvait entre les mains du démon et qui conservait le souvenir de cette parole adressée par Dieu à Adam : « Le jour où tu mangeras du fruit de cet arbre, tu mourras ». (Gen. 2,17) Cet écrit était donc au pouvoir du démon. Jésus-Christ ne s’est pas contenté de nous le rendre, il l’a déchiré lui-même, comme un créancier qui fait volontiers à son débiteur remise de sa dette. « Dépouillant les principautés et les puissances ». Les puissances de l’enfer, soit que la nature humaine se fût revêtue d’un pouvoir satanique, soit que le Christ trouvant les hommes toujours prêts à employer ces puissances, leur ait ôté l’occasion de s’en servir, en devenant homme. Tel est le sens de ces mots : « Il les a menés hautement en triomphe ». Et le mot est juste ; car jamais le démon ne fut aussi humilié. Il s’attendait à posséder le Christ, et il perdit son empire sur tous les esclaves qu’il possédait, et, par la grâce de ce corps attaché à une croix, les morts ressuscitaient. Ce fut alors que le démon fut blessé, et cette blessure mortelle c’était ce corps mort sur la croix qui la lui faisait. Le démon était l’athlète qui croit avoir frappé son adversaire et qui reçoit lui-même le coup mortel.
C’est encore là une preuve qu’une belle mort, une mort tranquille et courageuse est un moyen d’humilier et de couvrir d’opprobre le démon. Le démon aurait tout fait, s’il l’avait pu, pour persuader aux hommes que le Christ n’était pas mort. La résurrection de Jésus-Christ devait être assez démontrée par les temps à venir, mais sa mort n’eût pu être en aucune façon démontrée, si elle ne l’eût été à l’instant même où elle avait lieu ; voilà ce qui explique pourquoi il est mort sous les yeux de tous, tandis que la même publicité n’a pas entouré sa résurrection ; le Christ savait que l’avenir devait en témoigner. Oui, c’est devant le monde entier que le serpent a été écrasé sur la croix, et voilà ce qu’il y a d’admirable. Que n’a pas fait le démon, en effet, pour que le Christ ne mourût pas ? Écoutez Pilate : « Prenez-le », dit-il, « et crucifiez-le vous-mêmes : car je trouve qu’il n’y a aucun motif pour le faire mourir ». (Jn. 19,6) Et les Juifs lui disaient : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix ». (Mt. 27,40) Mais la blessure était mortelle ; il ne descendit pas et il fut mis dans le tombeau. Il pouvait ressusciter aussitôt ; mais il fallait que tout le monde crût à sa mort.
Dans une mort ordinaire on peut ne voir parfois qu’une défaillance. Mais il n’en est pas de même ici. Les soldats ne lui brisèrent pas les jambes, comme ils firent aux autres ; il était donc manifeste pour eux qu’il était mort. Et ceux qui l’ensevelirent, firent aussi leur œuvre, au vu et au su de tout le monde ; voilà pourquoi les Juifs s’unissent aux soldats, pour sceller la pierre du sépulcre. Tout le monde travaillait à ce qu’il ne restât pas sur sa mort la moindre nuance de doute. Elle avait eu des témoins chez les ennemis du Christ, chez les Juifs. Entendez-les dire à Pilate : « Ce séducteur a dit qu’il ressusciterait dans trois jours ; faites donc garder le sépulcre ». (Mt. 27,63, 64) Et c’est ce qu’ils firent. Entendez-les dire ensuite aux apôtres : « Vous voulez faire retomber sur nous le sang de cet homme ». (Act. 5,38) Il n’a pas permis que le supplice de la croix continuât à être un supplice humiliant. Comme les anges n’avaient pas souffert ce supplice, Jésus-Christ voulut faire voir que sa mort avait sauvé le monde, car sa mort fut un duel. La mort frappa le Christ ; mais le