Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/147

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peu de soin qu’on prend de rassasier la chair (23) ». Ce n’est qu’une apparence de sagesse sans effet ; ce n’est donc pas la réalité. C’est pourquoi, bien que ce soit une apparence de sagesse, nous n’avons pour elle que de l’aversion. Nous voyons des hommes qui semblent pieux et modestes, qui semblent mépriser le corps ; mais ce sont là de faux-semblants. « Dans le peu d’honneur qu’on fait à la chair, et dans le peu de soin qu’on prend de la rassasier ». Dieu, en effet, a honoré la chair ; mais eux, ils en ont fait un usage peu honorable. Quand on en use suivant ses préceptes, c’est lui faire honneur, aux yeux de Dieu. Mais ils déshonorent la chair, dit saint Paul, en la privant, en lui ôtant tous ses ressorts, au lieu de laisser à la raison seule le soin de dominer la volonté charnelle.
« Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut ». (Chap. 3,1) Il les réunit au Christ, après avoir démontré plus haut que le Christ était mort. Voilà pourquoi il dit : « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en-haut ». Point d’observations à faire sur ce texte. « Recherchez les choses du ciel où le Christ est a assis à la droite de Dieu ». Ah ! comme il sait élever nos âmes ! De quels nobles sentiments il anime ses auditeurs ! non seulement il leur ouvre le ciel, le ciel où est le Christ, mais il le leur montre assis à la droite du Père. Il leur fait perdre ensuite la terre de vue. « N’ayez de goût que pour les choses du ciel, et non pour celles de la terre ; car vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ. Mais quand paraîtra le Christ qui est votre vie, vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire (2-4) ». Ce n’est point ici-bas, dit-il, que vous vivez ; il y a pour vous une autre vie. Il les force à se transporter dans les cieux ; il a à cœur de leur montrer qu’ils sont assis là-haut, qu’ils sont morts ici-bas, et de ce double état qui est le leur, il conclut qu’ils ne doivent pas rechercher les choses d’ici-bas. Non, vous ne devez pas les rechercher, si vous êtes morts ici-bas ; non, vous ne devez pas les rechercher, si vous êtes assis là-haut. Le Christ ne paraît pas, donc votre vie ne commence pas encore : votre vie est en Dieu ; elle est là-haut. Quand donc vivrons-nous ? Quand paraîtra le Christ qui est votre vie ; gloire, existence, délices, recherchez alors tout cela. Voilà comment il leur fraie le chemin du ciel, pour les détourner du relâchement et des plaisirs du monde. C’est une méthode qui lui est familière ; tout en s’appliquant à prouver, à établir une vérité, il passe à autre chose. À propos de ces fidèles qui prenaient part à la scène avant les autres, il s’élève à la contemplation des mystères. Il emploie un mode de réprimande qui fait un grand effet, parce que ses paroles ne font pas soupçonner la réprimande.
« Votre vie vous est cachée », dit-il. C’est avec Jésus-Christ que vous paraîtrez. Voilà pourquoi vous êtes éclipsés maintenant. Voyez comme il les transporte dans les cieux ! Car, je le répète, il s’attache toujours à leur montrer qu’ils ont les mêmes avantages que le Christ. Dans toutes ses épîtres, il s’arrange de manière à leur prouver qu’en toutes choses, ils sont ses associés, qu’ils sont avec lui en communauté pleine et entière. Si donc nous devons paraître un jour avec lui, ne nous affligeons pas de ne pas être encore honorés. Si la vie d’ici-bas n’est pas la nôtre, si notre vie est encore cachée, nous devons vivre ici-bas, comme si nous étions morts, « Un jour », dit saint Paul, « vous paraîtrez avec lui dans la gloire ». Oui, « dans la gloire » ; le mot est à sa place, le mot est juste. La perle aussi est cachée, tant qu’elle est renfermée dans le coquillage. Si donc nous sommes humiliés, si nous souffrons, ne nous affligeons pas. Notre vie n’est pas de ce monde ; nous sommes, sur cette terre, des hôtes et des étrangers. « Vous êtes morts », dit-il. Qui donc ferait la folie d’acheter des esclaves, de bâtir des maisons, de payer des vêtements précieux pour un cadavre enseveli ? Personne. N’agissons donc pas ainsi. Si notre unique but est de ne pas être dépouillés des biens du ciel, que notre unique but ici-bas soit d’être dépouillés des biens de la terre. Le vieil homme, en nous, a été enseveli ; il a été enseveli, non pas dans la terre, mais dans l’eau ; ce n’est pas la mort qui l’a détruit, c’est le destructeur de la mort qui l’a enseveli ; il n’a pas accompli la loi de la nature ; il a accompli l’ordre d’un Maître plus fort que la nature. On peut défaire l’ouvrage de la nature, on ne peut défaire l’œuvre accomplie par l’ordre de ce Maître. Heureuse sépulture qui réjouit tous les cœurs, qui réjouit les anges, les hommes et le Maître des anges ! Sépulture où il ne faut ni linceul, ni sépulcre, ni rien de semblable. Voulez-vous en voir le symbole ? Voyez cette piscine où un homme