Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/148

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meurt, où un autre homme ressuscite ; voyez la Mer Rouge qui engloutit les Égyptiens pour livrer passage aux Israélites. Ce qui, pour les uns, est un sépulcre, devient, pour les autres, un berceau.
3. Ne vous étonnez pas si le baptême renferme à la fois la vie et la mort. Dites-moi la dissolution et la réunion ne constituent-elles pas deux phénomènes contraires ? C’est là une vérité évidente pour tout le monde. Eh bien ! le feu opère ces deux phénomènes ; il liquéfie et fait disparaître la cire ; il réunit les minéraux pour en faire de l’or. Ici donc encore le feu, après avoir détruit une statue de cire, produit de l’or ; car, avant le baptême nous étions d’argile ; après le baptême, l’argile s’est changée en or. Qu’est-ce qui le prouve ? Écoutez l’Apôtre lui-même : « Le premier homme vient de la terre, c’est une créature terrestre ; le nouvel homme vient du ciel, c’est une créature céleste ». (1Cor. 15,47) Il y a, je le répète, une grande différence entre la boue et l’or ; mais entre les choses du ciel et les choses de la terre, la différence est bien plus grande encore. Nous étions de cire et de boue ; car nous fondions à la flamme des passions plus rapidement que la cire au contact du feu, et la tentation avait, pour nous briser, plus de pouvoir que n’en a le caillou pour briser l’argile. Représentons-nous, si vous voulez, la vie de l’homme, sous l’ancienne Loi, pour voir si tout n’était pas alors terre et eau, si les choses humaines n’étaient pas sujettes au flux et au reflux comme l’Euripe, si tout, dans cet ancien monde, ne tombait pas et ne se dissipait pas comme la poussière.
Et, si vous voulez, jetons les yeux non sur ce qui se passait autrefois, mais sur ce qui se passe aujourd’hui. Est-ce que nous ne voyons pas que tout s’évanouit comme l’onde et la poussière ? Parlerons-nous des dignités ? Rien, au premier coup d’œil, ne semble plus digne d’envie. Et pourtant tout cela est plus fugitif que la poussière, aujourd’hui surtout. Ces magistrats, ces grands dignitaires dépendent de leurs courtisans, des eunuques, de ces hommes qui ne voient que l’argent, des colères du peuple, de l’indignation des grands. Cet homme qui, hier encore majestueusement assis sur son tribunal, était entouré de hérauts élevant la voix, cet homme que précédait sur la place publique un magnifique et nombreux cortège, cet homme-là est aujourd’hui dédaigné ; ce n’est plus qu’un être vil et abject que tout le monde abandonne. Le voilà dénué d’amis ; sa grandeur a été jetée au vent comme la poussière, elle a passé comme l’onde. Comme nos pieds soulèvent la poussière, ce sont les hommes d’argent, ces pieds de notre société, pour ainsi dire, qui portent les magistrats au pinacle. La poussière, quand elle s’élève, occupe dans les airs beaucoup de place, sans être elle-même beaucoup de choses ; il en est de même des dignitaires, et, comme la poussière, le tourbillon de la grandeur nous aveugle.
Et maintenant, voulez-vous approfondir ce qui fait ici-bas l’objet de nos désirs les plus vifs, la richesse ? Examinons-la dans tous ses détails. Elle apporte avec elle les plaisirs, les honneurs, la puissance. Examinons d’abord les plaisirs ; sont-ils autre chose que poussière ; ne sont-ils même pas plus fugitifs encore ? C’est là une volupté qui ne dépasse point le palais et qui n’arrive même plus jusqu’au palais, une fois que le ventre est plein. Mais les honneurs, dira-t-on, sont toujours agréables et flatteurs. Et qu’y a-t-il de plus amer que ces honneurs, fruits de la richesse ? Ces honneurs, qui ne sont le résultat ni du libre choix ni de la sympathie, ne sont pas pour vous ; on les décerne à votre fortune. C’est ce qui fait que le riche est l’homme du monde le moins honoré. Dites-moi, en effet, si on vous honorait parce que vous avez un ami, en déclarant que vous n’avez aucune valeur personnelle, mais qu’on est obligé de vous honorer à cause de votre ami, ne serait-ce pas vous faire le dernier des outrages ? Eh bien ! la richesse ne nous rapporte qu’ignominie, puisqu’elle est honorée plutôt que son possesseur et puisqu’elle est un signe de faiblesse plutôt que de puissance. N’est-il pas bizarre que, tout en nous regardant comme indignes de posséder cet amas de terre et de cendre qu’on appelle de l’or, on nous honore parce que nous le possédons. C’est là sans doute une bizarrerie. Et l’homme qui méprise les richesses n’a pas ces sentiments vulgaires ; mieux vaut, en effet, ne pas être honoré que de l’être ainsi. Dites-moi, je vous prie : si l’on venait vous dire : Vous ne méritez pas qu’on vous fasse honneur, mais je vous honore à cause de vos nombreux domestiques, ce langage ne serait-il pas tout ce qu’il y a de plus insultant ? Or, si c’est une honte de n’être honoré