Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/150

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ma thèse par des exemples puisés chez les gentils, on dit, je le répète, qu’un de leurs princes efféminés poussa les raffinements du luxe jusqu’à ordonner à un sculpteur de lui faire un platane d’or, avec un ciel d’or au-dessus ; c’était sous ce platane qu’il s’asseyait, et cela, quand il faisait la guerre à une nation belliqueuse. Cette fantaisie ne vaut-elle pas les hippocentaures et les Scyllas ? Un autre faisait enfermer des hommes dans un taureau de bois. N’est-ce pas là encore la fable de Scylla ? Il y a encore un roi guerrier de l’antiquité auquel les richesses ont fait perdre sa qualité d’homme, pour le transformer en femme. Quand je dis « en femme », je devrais dire en brute et même en quelque chose de pis. Car les bêtes, si elles vivent dans les forêts, mènent du moins une existence conforme à leur nature, tandis que ce roi menait une vie bien plus abrutissante que les brutes.
Quoi donc de plus insensé que les riches ? Voilà l’effet de leurs passions effrénées ! Mais ne trouvent-ils pas de nombreux admirateurs ? Eh bien ! ces admirateurs deviennent aussi ridicules qu’eux. Les exemples ci-dessus, en effet, ne prouvent pas l’opulence, mais la démence. Ce fameux platane d’or est loin de valoir et d’égaler un platane naturel. Car ce qui est conforme à la nature a toujours plus de charme que ce qui est contre nature. Que voulais-tu faire avec ton ciel d’or, monarque insensé ? Voyez-vous combien la richesse nous égare ? Voyez vous comme elle gonfle l’âme d’orgueil, comme ; elle lui donne la fièvre ? On dirait que le riche ne sait pas ce que c’est que la mer et qu’il voudrait y marcher. Ne sont-ce pas là de pures chimères ? Eh bien ! il y a maintenant des riches qui ressemblent à ceux de l’antiquité et qui sont même beaucoup plus insensés. Ces amphores et ces marmites d’or, en effet, n’annoncent-elles pas la folie aussi bien que le platane d’or ? Que dire de ces femmes (j’ai honte de citer ce fait, mais j’y suis forcé), que dire de ces femmes qui ont des vases immondes en argent ? Ah ! vous devriez rougir de votre conduite. Le Christ a faim, et vous vous livrez ainsi à votre sensualité. Mais vous êtes fou et vous paierez cher votre folie. Puis vous demandez pourquoi il y a tant de voleurs, tant de parricides et tant de fléaux, quand vous êtes agités de toutes les fureurs du démon ! Avoir des tablettes d’argent n’est pas de la sagesse ; c’est du luxe. Mais faire faire eu argent des vases destinés aux plus vils usages, c’est du luxe, ou plutôt de la folie, ou plutôt de la fureur ; c’est même quelque chose de pis.
5. Bien des gens, je le sais, rient de mes paroles ; mais peu m’importe, si mes paroles portent leurs fruits. Oui, la démence et la fureur sont filles de la richesse. Si ces riches le pouvaient, ils feraient faire une terre d’or, des murailles d’or, peut-être même un ciel d’or et une atmosphère d’or. Quelle fureur ! quelle injustice ! quelle fièvre ! Voilà une créature faite à l’image de Dieu qui meurt de froid, et voilà les couvres qui vous occupent ! O quel faste ! et que pourrait faire de plus un insensé ? Trouvez-vous donc vos excréments assez précieux pour employer l’argent à les recueillir ? Je sais qu’en entendant ces paroles vous êtes frappés de stupeur. Mais les personnes qui devraient être frappées de stupeur sont celles qui commettent de pareils actes, et qui se rendent esclaves de pareilles manies ;, car il y a là de l’indécence, de la cruauté, de l’inhumanité, de la férocité et de la mollesse. Quel monstre, quel reptile, quel mauvais génie, quel démon peut être capable d’agir de la sorte ? A quoi sert le Christ ? A quoi sert la foi, si l’on suit l’exemple des païens ou plutôt du démon ? Si l’on ne doit point parer sa tête d’or et de perles, celui qui emploie l’argent au plus vil de tous les usages est-il excusable ? Ne vous suffit-il pas d’avoir déjà tant de meubles en argent, d’avoir des sièges et des escabeaux en argent, luxe déjà intolérable et insensé ? Mais partout aujourd’hui règne un faste inutile, partout la vanité ; la raison n’est plus de mode ; on n’aime que le superflu. Ah ! j’ai bien peur qu’en donnant de plus en plus dans toutes ces folies, les femmes ne deviennent de véritables monstres ; aujourd’hui probablement elles voudraient avoir des cheveux d’or. Avouez donc que mes paroles n’ont pu ni émouvoir ni réveiller vos âmes ; avouez que vous êtes plongés dans la concupiscence et que, si la honte ne vous retenait, vous tomberiez dans tous les excès. D’après ce qu’on ose déjà faire, je puis croire que les femmes voudront bientôt avoir des cheveux d’or, des lèvres, des sourcils de même métal, et qu’elles se doreront de la tête aux pieds.
Peut-être ne me croyez-vous pas ; vous croyez peut-être que je veux rire ; eh bien ! je vais vous raconter ce que j’ai appris, ce qui a