Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/154

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Dieu, saints et bien-aimés ». Il montre que la vertu est facile, pour qu’ils la conservent toujours et pour qu’elle fasse leur plus bel ornement. Il y a là tout à la fois un conseil et un éloge, et l’éloge donne au conseil beaucoup de force. Ils étaient saints, mais ils n’étaient pas des élus de Dieu ; maintenant ils sont saints, élus et chéris de Dieu. – « D’entrailles de miséricorde ». Il n’a pas dit : « De miséricorde », mais il s’est exprimé avec plus d’énergie en employant deux mots, au lieu d’un. Il n’a pas dit : Soyez entre vous comme des frères ; mais, ayez les uns pour les autres une tendresse paternelle. Ne me parlez plus des torts de votre prochain. Telle est la portée de ce mot « des entrailles de miséricorde ». Ces expressions remplacent le mot « pitié », qui, étant isolé, aurait eu quelque chose d’humiliant. « Revêtez-vous de bonté, d’humilité, de modestie, de patience. Vous supportant les uns les autres, vous remettant les uns aux autres les sujets de plainte que vous pouvez avoir entre vous, et vous pardonnant comme le Christ vous a pardonné ». Ici encore il spécialise : car la bonté est la source de l’humilité, et l’humilité est la source de la patience. « Vous supportant », dit-il, « les uns les autres » ; c’est-à-dire vous soutenant et vous remettant vos fautes les uns aux autres. Et voyez comme il atténue l’offense : « Les sujets de plainte que vous pouvez avoir. Et il ajoute : « Comme le Christ vous a pardonné ». C’est là un grand exemple qu’il leur offre toujours ; il cite le Christ pour les exhorter. L’offense dont il parle est peu de chose ; mais l’exemple qu’il cite nous engage à pardonner les offenses les plus graves. Voilà ce que signifient ces mots : « Comme le Christ ». Et cela veut dire non seulement qu’il faut pardonner, mais qu’il faut pardonner de tout son cœur, mais qu’il faut aimer l’auteur de l’offense. L’exemple du Christ amené ici amène toutes ces conséquences. Quand l’offense serait grande, quand il n’y aurait pas eu provocation de notre part, quand nous serions de grands personnages, quand l’auteur de l’offense serait un homme infime, quand il devrait nous offenser encore, peu importe. Nous devons même être prêts à mourir pour lui. Ces mots « comme le Christ » nous le commandent, nous devons persister dans ces sentiments jusqu’à la mort et même au delà, s’il est possible.
« Mais surtout ayez la charité qui est le lien de la perfection ». Vous voyez ce qu’il dit là. Il pourrait se faire que l’on pardonnât une offense sans pour cela en chérir l’auteur. Eh bien ! dit l’apôtre, il faut l’aimer. Et l’apôtre nous montre même ici comment on arrive à pardonner. C’est en étant bon, doux, humble, patient, aimant. Aussi a-t-il dit en commençant : « Les entrailles de miséricorde » ; ce qui comprend la charité et la pitié. « Surtout ayez la charité, qui est le lien de la perfection ». Ces paroles veulent dire : Tout cela ne sert de rien ; car tout peut se rompre, sans le lien de la charité. C’est elle qui réunit tout. Les meilleures choses, sans elle, ne sont rien ou ne durent pas. Dans un navire, les meilleurs agrès, s’ils ne sont pas bien assujettis, demeurent inutiles ; il faut dans une maison, que toutes les parties de la charpente soient bien unies ; dans le corps humain, la charpente osseuse a beau être vigoureuse, sa vigueur, sans les articulations, ne sert de rien. Quelles que soient vas bonnes œuvres, quelque soit le mérite de vos actions, tout cela, sans la charité, est en pure perte. Il n’a pas dit : La charité est le « faîte » de la vertu ; il a dit plus : La charité est un lien, chose plus nécessaire. Le faîte n’est qu’un degré de perfection ; le lien est ce qui embrasse et comprend les éléments de la perfection ; elle en est la racine. « Que la paix de Dieu, à laquelle vous avez été appelés dans l’unité d’un même corps, règne dans vos cœurs, et soyez reconnaissants ».
3. La paix de Dieu est une paix ferrite et stable. La paix humaine n’est pas durable ; elle ne ressemble pas à la paix de Dieu. Il a parlé de la charité en général ; maintenant il particularise. Car il y a une sorte de charité exagérée qui porte aux accusations téméraires, aux querelles, aux antipathies. Non, dit l’apôtre, non : ce n’est pas cette charité que je veux. Faites entre vous la paix, comme Jésus-Christ l’a faite avec vous. Comment vous l’a-t-il offerte cette paix ? De lui-même, sans rien recevoir de vous en échange. Mais que veulent dire ces mots : « Que la paix de Dieu règne en vos cœurs ? » Si deux pensées se combattent dans votre cœur, ne donnez pas à la colère la palme et le prix du combat ; que la paix remporte le prix. Si par exemple un homme est injustement outragé, l’outrage fait naître en son âme deux pensées, l’idée de la vengeance et celle du pardon qui luttent ensemble. Si la