Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

langage ? Non sans doute, et pourquoi ? C’est qu’on voudrait vous forcer à adorer des idoles, tandis qu’ici, dites-vous, il s’agit non pas d’idolâtrie, mais d’enchantements. Eh bien ! c’est là une invention de Satan, un piège du démon pour cacher ses fraudes et pour vous faire avaler le poison avec le miel ; sachant qu’il ne pourrait vous persuader sans prendre de détours, il a recours à des amulettes et à des contes de bonne femme. La croix n’est plus en crédit ; les caractères cabalistiques sont en grand honneur. On chasse le Christ pour faire entrer quelque vieille sorcière qui a le délire et qui est ivre. On foule aux pieds nos mystères, et le démon triomphe. Pourquoi, dites-vous, Dieu ne blâme-t-il pas formellement de semblables pratiques ? Mais que de fois n’a-t-il point blâmé chez vous l’emploi de pareils moyens, sans pouvoir vous persuader ? Maintenant il vous laisse à votre erreur. « Dieu », dit l’apôtre, « les a livrés à leur sens dépravé ». (Rom. 1,28) Un païen même, s’il est quelque peu sage, né supporterait pas ce genre de superstition. A Athènes, dit-on, un orateur populaire usa un jour de ces sortilèges ; un philosophe, son maître, l’ayant vu, le réprimanda, se répandit en plaintes, le critiqua amèrement et le tourna en ridicule. Et nous autres, nous sommes assez mal inspirés pour croire à ces bagatelles ! Pourquoi, me direz-vous, n’y a-t-il plus aujourd’hui personne pour ressusciter les morts et pour opérer des guérisons miraculeuses ? Pourquoi, je ne vous le dis pas encore. Mais je vous demanderai à mon tour pourquoi il n’y a plus aujourd’hui personne qui méprise la vie présente, pourquoi nous n’offrons à Dieu que des hommages intéressés ? Quand l’humanité était plus faible, quand il s’agissait de planter sur la terre l’arbre de la foi, il y avait beaucoup d’hommes qui opéraient des miracles. Mais aujourd’hui Dieu veut que nous soyons préparés à la mort, sans nous mettre sous la dépendance des signes. Pourquoi donc cet attachement à la vie présente ? Pourquoi ce mépris pour la vie future ? Dans l’intérêt de la vie présente, vous avez le courage d’encenser des idoles ; dans l’intérêt de la vie future, vous ne pouvez supporter la plus légère contrariété. Pourquoi cette différence ? Si les hommes ne sont plus ce qu’ils étaient autrefois, c’est que nous avons pris l’autre vie en dégoût, puisque nous ne faisons rien pour elle, tandis que, pour conserver la vie présente, nous acceptons toutes les souffrances. Que signifient encore ces momeries, ces opérations magiques par la cendre, par la suie, par le sel, et cette vieille magicienne qui arrive encore ? Voilà qui est honteux et ridicule ! Votre enfant, diton, a été fasciné.
6. Jusques à quand vous livrerez-vous à ces pratiques, à ces œuvres de Satan ? Les gentils ne se moqueront-ils pas de nous, quand nous leur vanterons les vertus de la croix ? Comment persuader ces hommes qui nous voient recourir à ce qui fait l’objet de leur risée ? Est-ce pour cela que Dieu nous a donné ses médecins et ses remèdes ? Mais quoi, dites-vous, si ces médecins ne le sauvent pas ? Si l’enfant s’en va ? Mais où va-t-il donc, je vous le demande, malheureux que vous êtes ? Tombe-t-il entre les mains des démons et de notre tyran ? Ne retourne-t-il pas au ciel vers son maître ? Pourquoi cette douleur ? pourquoi ces pleurs ? pourquoi ces larmes ? Pourquoi préférer votre enfant au Seigneur ? N’est-ce pas le Seigneur qui vous l’a donné ? Pourquoi êtes-vous assez ingrat pour préférer le don au donateur ? Mais je suis faible, dites-vous, et je n’ai point assez la crainte de Dieu. Car si, lorsqu’il s’agit des maux physiques, le plus grave empêche de ressentir le plus léger ; lorsqu’il s’agit de l’âme à plus forte raison, la crainte chasse la crainte, et la douleur la douleur. Votre enfant était beau, mais quel qu’il fût, il n’était pas plus beau qu’Isaac, et Isaac aussi était fils unique. C’était l’enfant de votre vieillesse. Le père d’Isaac l’avait eu aussi dans ses vieux jours. Mais il était si gracieux, si distingué ! Il ne l’était pas plus que Moïse qui charma les yeux d’une femme barbare, et cela, clans un âge où la grâce et la distinction n’ont pas encore eu le temps de percer. Pourtant cet enfant chéri fut jeté par ses parents dans un fleuve. Vous, du moins, vous l’avez devant vos yeux, vous le livrez à la sépulture et vous pouvez visiter son tombeau ; mais les parents de Moïse ignoraient s’il n’allait pas servir de pâture aux poissons, aux chiens ou à quelque monstre marin, et ils ne savaient pas encore ce que c’est que le royaume des cieux, ce que c’est que la résurrection.
Mais ce n’est pas le seul enfant que vous ayez perdu ; plusieurs de vos enfants l’avaient précédé dans la tombe. Ah ! vos malheurs n’ont pas été si soudains, si répétés, si déplorables