Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/16

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s’assurer une part aux mérites de saint Paul : « Depuis le premier jour jusqu’à cette heure » ; telle est, dit-il, la raison de ma joie. « Votre communion avec nous » ; et je suis heureux non seulement du passé, mais de l’avenir ; car je pressens ce que vous ferez, d’après l’expérience de ce que vous avez fait. Il poursuit en effet : « J’ai une ferme confiance que celui qui a commencé le bien en vous, ne cessera de le perfectionner jusqu’au jour de Jésus-Christ (6) ».
3. Voyez comme il leur enseigne la pratique de la modestie. Comme il leur a rendu un important témoignage, il craint que l’humaine faiblesse ne succombe à l’orgueil, et il s’empresse de leur apprendre à reporter tout à Jésus-Christ, le passé comme l’avenir. Comment ? Il se garde bien de dire J’ai confiance qu’ayant si bien commencé, vous finirez de même. Que dit-il donc ? « Celui qui a commencé le bien en vous, ne cessera de le perfectionner ». Sans doute il ne refuse pas d’avouer qu’ils ont quelque part dans la bonne œuvre : « Je suis heureux », dit-il au contraire, « de votre participation », comme s’ils ne devaient qu’à eux-mêmes cette sainte conduite. Mais, cependant, il ne dit pas que la vertu vienne d’eux seuls, il en attribue à Dieu le principe tout d’abord : « C’est lui », dit-il, « j’en ai la confiance, qui a commencé le bien en vous ; c’est lui encore qui ne cessera de « le perfectionner jusqu’au jour de Jésus-Christ ». Lui, c’est Dieu. Et il en sera ainsi, ajouta-t-il, non seulement de vous, mais de tous ceux qui vous suivront, je l’espère.
Après tout, ce n’est pas un mince éloge pour un homme, que Dieu daigne opérer en lui. Car s’il ne fait acception de personne, et certes c’est son caractère divin ; s’il ne voit dans chacun de nous, pour se déterminer à nous aider, que notre bon propos à remplir notre devoir, il est assez clair que c’est nous-mêmes qui lui donnons sujet de nous seconder ainsi. Sous ce rapport, l’apôtre est loin de retirer aux Philippiens leur mérite. En effet, si Dieu agissait en nous seul et par caprice, rien n’empêcherait que les gentils et même tous les hommes sans exception ne fussent l’objet de sa grâce au même degré, s’il les remuait, osé-je dire, comme le bois ou la pierre, sans chercher aucune coopération de notre part. Ainsi, quand l’apôtre ajoute : « Dieu perfectionnera », ici même il fait encore leur éloge, avouant qu’ils ont attiré sur eux la grâce de Dieu qui les aidera à vaincre l’humaine nature. Un autre mérite ressort encore ici : vos bonnes œuvres ont ce caractère qu’elles ne présentent rien de l’homme, mais qu’elles ont besoin de la force de Dieu. Au reste, si Dieu perfectionne, vous n’aurez pas à travailler beaucoup ; vous devez donc avoir confiance, facilement vous atteindrez la perfection, puisque vous serez aidés de lui.
« Et il est juste que j’aie ce sentiment de vous tous, parce que je vous porte dans mon cœur, comme ayant tous part à ma grâce, par celle que vous avez prise à mes liens, à ma défense, et à l’affermissement de l’Évangile (7) ». Voilà bien la sainte passion d’une âme ardente : il portait les Philippiens dans son cœur ; et jusque dans la prison et les fers, il gardait leur souvenir : ce n’est pas pour ces pieux fidèles un éloge vulgaire, que d’être ainsi gravés dans la mémoire d’un si grand saint. L’affection de Paul n’avait point son motif dans un mouvement irréfléchi ; il s’appuyait sur la raison et le jugement. Pour être aussi vivement aimé de lui, il fallait, évidemment, le mériter par une grande et admirable vertu.
« Jusque dans ma défense et dans l’affermissement de l’Évangile ». Après ce trait, n’admirons plus qu’il les portât dans son cœur, même au fond de son cachot : à l’heure même où je comparaissais devant les tribunaux, dit-il, pour y plaider ma cause, vous n’étiez pas sortis de mon esprit. – Telle est, en effet, la puissance de l’amour spirituel, qu’il ne puisse céder aux rigueurs d’un temps malheureux, mais qu’embrasant l’âme à tout jamais, il ne puisse être vaincu par le malheur ni par la souffrance. Jusque dans la fournaise de Babylone, au milieu de cet épouvantable brasier, une douce rosée rafraîchissait les bienheureux enfants : ainsi la sainte amitié, dès qu’elle a saisi l’âme, mais une âme aimante et agréable à Dieu, éteint toute autre flamme, et répand une admirable rosée.
« Et dans l’affermissement de l’Évangile ». Ainsi les chaînes apostoliques étaient l’affermissement de l’Évangile, et comme son bouclier et sa défense. Cette parole est juste et profonde. S’il n’avait pas, en effet, glorifié et